C’est son histoire familiale que nous révèle Myriam Saduis ou ne faudrait-il pas dire Saâdaoui ?
Sa mère est tombée amoureuse de son père en 1955, un an avant l’indépendance de la Tunisie. Fille de colons italiens qui méprisaient les Arabes, celle-ci commet une transgression insupportable pour sa famille en épousant Bechir Saâdaoui. Au moment où éclate la crise de Bizerte (base militaire que la France avait conservé après l’indépendance) en 1961, la mère enceinte de huit mois décide de venir rejoindre sa famille déjà installée à Dijon, pour que Myriam naisse en France. Ses parents les reçoivent à peine et ne parlent quasiment pas à Bechir. Trois ans après les parents de Myriam se séparent. Commence alors une histoire où la mère va tenter d’éliminer complètement ce père de l’histoire familiale, détruisant toutes les photos, les lettres qu’il envoie, déplaçant sa fille quand sa recherche se rapproche, multipliant les démarches pour effacer jusqu’à son nom. Se sentant toujours amputée d’une part d’elle-même, naviguant de révoltes adolescentes en psychanalyse, ce n’est qu’à la mort de sa mère que Myriam va finir par découvrir ce que cachait cette femme parfois merveilleuse et parfois « folle ».
Au bout de son long chemin, Myriam Saduis a réussi à comprendre d’où elle venait, comment le contexte de la colonisation puis de la décolonisation avait complètement chamboulé son histoire familiale. De courts extraits vidéo rappellent les manifestations de Bizerte en 1961 et celle d’octobre 1961 à Paris. La plupart du temps seule en scène, elle raconte son histoire, avançant dans le temps patiemment, au fil des questions qu’elle se pose, des indices qu ‘elle recueille, des éclairages que lui apporte la psychanalyse. Elle sait restituer ce qu’apprennent vite les enfants, qu’il y a ce que l’on peut dire et ce que l’on doit éviter si l’on veut échapper à la tempête, elle dit les hypothèses parfois saugrenues qu’ils imaginent pour trouver une explication, elle dit la recherche d’une aide dans la littérature, dans le théâtre. C’est vivant et drôle. Il y a aussi des moments tristes, de la rage et … des chansons, car sa mère adorait chanter. Il y a Les parapluies de Cherbourg bien sûr et aussi Barbara. Mais quand l’une chantait « Dis quand reviendras-tu » l’autre reprenait le « Mon père, mon père » de Il pleut sur Nantes.
Parfois un partenaire Pierre Verplancken, en alternance avec Olivier Ythier, accompagne l’actrice dans cette quête de vérité et c’est dans ses pas qu’il marche à la fin, quand elle peut considérer qu’elle est parvenue au final cut. Elle sait, elle a rencontré sa famille paternelle et peut désormais afficher la photo de son père au côté de celle de sa mère.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 27 novembre au Théâtre de Belleville – 16 passage Pivert, 75011 Paris – du mercredi au samedi à 19h, le dimanche à 15h – Réservations : 01 48 06 72 34
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