Pierre Pradinas met en scène trois courtes pièces mais aussi deux nouvelles de Tchekhov. Neuf comédien(ne)s se relaient pour présenter deux des pièces et une des nouvelles en cinq enchaînements différents selon les soirs.

Le format court peut donner l’impression d’une série d’anecdotes mais Pradinas traite des thèmes qui parcourent le 19ème siècle russe : la soumission des fonctionnaires à la hiérarchie, l’exaltation amoureuse et le caractère velléitaire, le “manque d’âme” des personnages masculins.

Ce soir-là nous avons vu Les Méfaits du tabac, monologue satirique féroce, garanti sans tabac, interprété par Philippe Rebot. Les méfaits ne sont pas ceux qu’on attendrait : la charge ne vise pas la cigarette – les fumeurs peuvent y aller tranquillement!

L’Ours voit s’affronter un créancier et sa débitrice, jeune veuve éplorée. Le fauve n’est pas celui qu’on croit ! Quentin Baillot et Maloue Fourdrinier incarnent avec jubilation deux personnages pleins de feu. Le spectateur est ravi.

La Mort d’un fonctionnaire pousse jusqu’à l’absurde une situation banale d’excuses d’un fonctionnaire de police de rang inférieur envers un général, une « Excellence », pourtant d’une autre administration. Tchekhov se régale à dénoncer l’obséquiosité qui tue les êtres et une société figée dans ses hiérarchies. On retrouve un Philippe Rebot qui joue à merveille la servilité et Quentin Baillot qui campe un général d’une finesse inattendue.

Marianne Grissolange Leguen

Autre soir, autre programme

Dans Les méfaits du tabac Nioukhine doit faire une conférence sur les méfaits du tabac. Sa femme, qui le traite d’épouvantail et compte le moindre sou qu’elle lui accorde pour son travail, a choisi le thème de la conférence. Il ne nous parlera pas des méfaits du tabac mais de son malheur d’être transformé « en nullité ». Dans Une demande en mariage, le jeune prétendant et sa future se disputent âprement d’abord sur la propriété « des petits prés aux bœufs », dont chacun dit qu’il n’en a pas vraiment besoin, mais que c’est pour le principe, puis sur les qualités du chien de chasse de l’autre. L’intervention du père de la promise ne fait qu’aggraver les choses. Dans Un drame, un écrivain, reconnu et imbu de son talent, se voit obligé d’écouter une apprentie écrivaine qui lui lit le drame qu’elle a écrit et cela finit en drame !

La forme choisie par le metteur en scène est une forme légère sans décor ni costumes particuliers qui peut être jouée n’importe où et qui mêle différentes générations de comédiens. On est au théâtre et le metteur en scène le rappelle en faisant intervenir entre chaque pièce ou nouvelle deux pseudo- techniciens qui bougent les chaises, seul élément de décor, et semblent parler par signe à la régie. On est déjà dans la farce. Puis place à Tchekhov, son regard lucide sur les faiblesses et les travers humains. Philippe Rebbot donne à Nioukhine toute son humanité. On le plaint, il nous agace un peu par son manque d’énergie et sa résignation. Quand il enlève sa veste de conférencier, on croit que l’homme qu’il aurait pu être va renaître, mais un petit bruit en coulisse lui annonce la venue de sa femme et il retourne à son état de dominé. On le retrouve dans Une demande en mariage en père qui voudrait jouer les arbitres mais accélère la catastrophe. Le duel entre les futurs époux permet à Laure Descamps et Romain Bertrand de se déchaîner dans un burlesque à la Chaplin où lorsque le rire s’apaise, c’est pour mieux repartir. On retrouve Laure Descamps dans Un drame en autrice déterminée à faire entendre sa pièce par un écrivain reconnu que joue Quentin Baillot. Il joue l’écrivain légèrement prétentieux, qui espère que l’épreuve sera courte, qui s’ennuie de moins en moins stoïquement et finit par exploser.

C’est drôle, intelligent, bien écrit et admirablement joué. Un spectacle qui devrait être remboursé par la Sécurité Sociale !

Micheline Rousselet

Programme variable selon les jours. Jusqu’au 7 janvier 2024 – du mardi au samedi à 19h et dimanche à 16h – au Lucernaire, 53 rue Notre Dame des Champs Paris 6ème – réservation: 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr ou sur place.

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