Au début, il n’avait rien d’un assassin. Il n’était même pas cruel. Puis manier des armes est apparu comme un jeu d’enfant. Il appartenait au clan des Adamites dans un pays où la majorité était zélite, mais cela lui importait peu. Puis les choses se sont gâtées, des barrages ont vu le jour sur les routes et avec eux les menaces. Chacun s’est replié sur sa communauté. La guerre s’est installée avec ses bombardements et ses horreurs gratuites. Ne restait plus que les ordres, le combat, la lutte pour survivre. La haine avait remplacé l’indifférence.

L’acteur Swann Arlaud et la metteuse en scène Tatiana Vialle ont découvert, il y a trente ans, ce texte d’Adel Hakim, l’ancien directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry. Il l’avait écrit en 1991 pendant la guerre du Liban, mais la pièce brossait un portrait universel des dégâts de la guerre en se plaçant dans la tête et le corps d’un guerrier. La langue s’échappe vers l’oralité (« le phone était coupé » …, « tout est out », « Lost pour toujours »), invente des mots pour leurs sonorités qui claquent (les « Klaschingues » pour les mitrailleuses). Sur scène, dans un décor destroy d’échafaudages métalliques avec une tour hérissée de lumières, faisant penser à un mirador, Swann Arlaud se déplace souplement. En arrière-plan le musicien Mahut crée un décor sonore qui évoque sans réalisme plat le bruit des bombes, des balles traçantes, de la ferraille qui tombe. Dans un univers très sombre, les éclairages soulignent la silhouette de l’acteur sur fond de ville en feu.
Swann Arlaud nous emmène dans la tête et le corps du guerrier. Il dessine au sol à l’aide d’une craie sa géographie mentale. Souple il grimpe sur les échafaudages, fragile il recule, apeuré devant les premiers barrages et les menaces des miliciens. Puis son regard devient dur, s’emplit de haine. Vainqueur il regarde la ville brûler, vaincu, il se débat.

C’était la guerre du Liban, mais ce pourrait être n’importe où, en Yougoslavie, en Syrie, au Haut-Karabakh ou ailleurs dans le futur. Que reste-t-il aux survivants ? Peuvent-ils oublier les horreurs de la guerre et la haine et repartir à nouveau ? Swann Arlaud est ce jeune homme qui s’adresse à nous, qui tente de comprendre, en retraçant le fil de son histoire, comment on devient un bourreau et l’émotion nous prend à la gorge.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 23 octobre au Théâtre du Rond-Point – Attention changement d’horaire COVID : du samedi 17 au vendredi 23 octobre : 18h30 – 2 bis avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris – Réservations : 01 44 95 98 21 ou www.theatredurondpoint.fr

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