« Il va tellement de soi que le référent ultime est le masculin qu’il est alors inutile d’en parler » écrivait Françoise Héritier. Et pourtant cela pose problème à de plus en plus d’hommes, et cela l’était déjà dans les années 1960 comme en témoignent ces lettres à Ménie Grégoire écrites par des hommes.

De 1967 à 1981, Ménie Grégoire a animé sur RTL une émission où des femmes, mais aussi des hommes, lui parlaient de leur vie et des questions qu’elles et ils se posaient. En pleine après-midi, à 15 heures, deux à trois millions d’auditeurs l’écoutaient. Rien qu’entre 1967 et 1973, elle a reçu plus de 100 000 lettres dont 10 000 écrites par des hommes. De quoi parlaient-ils ? De leur besoin d’amour, de la solitude, du divorce, de leur difficulté à aborder et comprendre le monde féminin surtout à un moment où le mouvement de libération des femmes libère la parole sur le désir et le plaisir féminin. Ils osent parler de sexualité ce qui est nouveau à la radio. Ayant elle-même suivi une analyse, Ménie Grégoire les écoute, comprend qu’ils lui demandent conseil pour surmonter leurs faiblesses et leur donne son point de vue. Bien que critiquée par l’Ordre des médecins, l’Église et Le Figaro, elle tiendra bon et l’émission se poursuivra jusqu’en 1981.

De plus en plus d’hommes ne souhaitent plus être résumés à une posture de mâle dominant. Étienne Coquereau souhaitant travailler sur le sujet a pensé aux lettres adressées à Ménie Grégoire pour son émission et conservées en totalité aux archives départementales de Tours. C’est à partir de ces lettres et des livres et interviews de Ménie Grégoire qu’il a conçu ce spectacle. Ce qui frappe c’est la franchise avec laquelle ces hommes se livrent, abordant des sujets qu’on n’osait pas évoquer dans les familles.

La mise en scène, simple mais habile, donne de la profondeur à cette évocation. Un univers sonore nous place dans cette fin des années 1960 – début des années 70 avec des bribes de chansons d’époque, le jingle de l’émission ou le bruit d’un cadran téléphonique que l’on tourne. Sur scène des cartons, que l’on suppose remplis de lettres, et des lettres posées dessus en désordre. Avant le début du spectacle les trois acteurs invitent quelques spectateurs à s’installer sur les cartons. Ils tendent les lettres aux comédiens représentant les hommes qui les ont écrites. Trois acteurs, Florent Houdu, Sophie-Anne Lecesne et Adrien Michaux, timide sourire aux lèvres ou air plus bravache et le regard intense fixé sur les spectateurs, vont lire ces lettres, parfois longues, car celui qui l’écrit veut être sûr de bien exprimer son ressenti. Régulièrement l’un d’entre eux s’empare d’un micro pour donner la réponse de Ménie Grégoire ou porter sa réflexion.

Comment être un « homme bien » avec les femmes n’est pas une question nouvelle. Ce spectacle à travers ces lettres nous le rappelle avec émotion et humour.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 25 mars au Théâtre Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris – du jeudi au samedi à 21h – Réservations : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechergeurs.fr

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