
C’est la seconde pièce écrite par le Norvégien Jon Fosse, Prix Nobel de littérature en 2023 et l’on trouve déjà son écriture où la parole se répète, se perd, trébuche et finit par parvenir à l’essentiel.
Une femme est assise dans un salon presque vide qu’occupe un grand canapé. Elle attend un homme, oscille entre espoir – « il viendra » -, et abandon – « il est tard, il ne viendra pas ». Elle passe des moments où elle tente de se rassurer, « je suis grande, forte et belle », « il est tard, il va bientôt venir… Il est seulement un peu en retard » à ceux où l’espoir l’abandonne « il ne reviendra jamais, il a disparu comme s’il était mort ». Elle mettra une table pour deux, emplira les verres, mais répète qu’elle n’aime pas manger seule. Lorsqu’un homme apparaîtra c’est comme si ni lui ni elle ne se voyaient, ne s’écoutaient. Il reviendra accompagné d’une jeune femme qui hésite à entrer. Qui est-elle ? Une autre ou la première plus jeune ?
Daniel Jeanneteau et Mammar Benranou mettent en scène cette pièce qui « se déploie en une spirale de motifs récurrents, toujours changeants, qui creusent peu à peu au milieu d’une vie sans particularité la béance d’un gouffre ». Dans le grand salon gris, le canapé devient le centre de l’attente. Une porte insoupçonnée s’entr’ouvre laissant filtrer un rai de lumière pour permettre à la femme de disparaître quelques instants et à deux chaises et une table avec assiettes, verres et bouteille de vin d’apparaître.
Dominique Reymond est installée sur le canapé. Elle soliloque, passe de la plainte à l’imploration, de la joie au doute, de la gravité à la drôlerie. Elle se lève, va vers ce qui pourrait être une fenêtre, prend le téléphone mais n’appelle pas, prend dans ses bras un coussin comme si c’était l’homme aimé, marche pour meubler son attente. Sourire ambigu aux lèvres comme portée par l’impérieuse nécessité de dire et d’espérer « il va venir puisque je l’attends », puis inquiète, grave « moi qui croyais que tu avais disparu comme dans la mort ». Elle est prodigieuse, magnifiant les banalités, les ressassements, offrant aux répétitions une multitude de nuances. A ses côtés deux comédiens, moins présents, vont contribuer à créer la tension nécessaire. Quand l’homme apparaît, Yann Boudaud lui offre une présence-absence mystérieuse. Solène Arbel est la jeune fille qui l’accompagne. Qui est cet homme tant attendu, qui est cette jeune fille qui n’ose pas entrer dans la pièce où se trouve la femme qui attend l’homme ?
Le spectateur reste sur ses interrogations et pourtant il se laisse comme hypnotiser par la musique de la langue de Jon Fosse. Il attend comme cette femme, car dit-elle « La vie n’est qu’attente » et c’est un abîme de solitude qui s’ouvre.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 13 octobre au T2G, Théâtre de Gennevilliers,41 avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers – Lundi, jeudi, vendredi à 20h, samedi 18h, dimanche 16h – Réservations : 01 41 32 26 26 ou www.theatredegennevilliers.fr – Tournée : 18 et 19 novembre Le Quai CDN Angers – 16 et 17 décembre La comédie de Valence – du 11 au 13 mars 2026 Bonlieu Scène Nationale Annecy – 18 et 19 mars Le Meta CDN Poitiers – du 8 au 10 avril Théâtre des 13 vents Montpellier – 28 au 30 mars Comédie de Reims
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