Le compositeur Wilfried Wendling, qui a fait de l’ordinateur un outil dont il use en virtuose, nous a habitués à des spectacles hybrides où musique électronique, théâtre, chorégraphie, arts du cirque et vidéo se mêlent pour créer un univers hypnotique. Son spectacle est ici inspiré par des textes de Heiner Müller (Paysage avec Argonautes, Avis de décès, Textes de rêve, Héraklès II ou l’Hydre plus des poèmes), qui « éclatent en îlots hybrides pour composer une expérience immersive et polyphonique ». Ces bribes ont en commun de renvoyer aux grands thèmes chers à Heiner Müller, la mort, le labyrinthe du rêve où l’on entre par l’association d’idées et d’images, la conscience de l’artiste créateur. Trois propositions se succèdent que l’on peut voir à la suite ou séparément puisque chacune est indépendante.

Dans un espace au centre duquel flotte une « fileuse », un magnifique rideau circulaire de longues cordes et de tissu aérien tombant du haut des cintres, imaginé par la danseuse Cécile Mont-Reynaud, le spectateur est immergé dans un univers animé de machines, de musique, de sons et de rencontres soudaines. Il peut s’y déplacer ou s’asseoir. Toutes sortes de surfaces réfléchissantes placées autour de la salle vont convoquer les thèmes de la réflexion et du miroir. Produisant des matières lumineuses et mouvantes, associées à la génération de sons joués en direct par le musicien Grégory Joubert démultipliée par une forêt de haut-parleurs, elles convoquent tous les sens pour plonger le spectateur dans un état de rêve. Des vidéos, des lumières trouent l’espace obscur. Elles créent des matières mouvantes, changeant les perspectives, démultipliant la présence ou l’absence de l’acteur et de la danseuse ou du danseur.

Denis Lavant souple et léger surgit de l’ombre. Dès qu’il est là, on ne peut plus le quitter des yeux, on écoute sa voix, répétant les mêmes phrases qui s’impriment au fond de la mémoire. Tel un elfe inquiétant il est ici, puis il n’y est plus, il apparaît dans la vidéo ou au balcon, tapant sur une machine à écrire en scandant les textes de Heiner Müller, puis il est dans la salle, entrant dans le cercle de cordes que subliment les lumières, seul ou en duo avec le chorégraphe Alvaro Valdès Soto (en alternance avec la danseuse aérienne Cécile Mont-Reynaud). De l’opposition entre le féminin et le masculin, entre l’aérien avec la danseuse et le terrien avec l’acteur comme accroché à la terre et pourtant si mobile, naissent des images magnifiques. La fileuse semble retenir les corps qui se débattent ou s’échappent.

Un spectacle original et beau qui varie au gré des représentations et où, du chevauchement permanent du texte, des images et des sons, naît une magie séduisante.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 18 décembre au Théâtre de la Cité Internationale, 17 bd Jourdan, 75014 Paris – mardi et samedi intégrale des trois parties (A+B+C) à 19h30, lundi (A+B), jeudi (B+C), vendredi (A+C) à 19h30 – Réservations : 01 43 13 50 50

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