De ce texte Nathalie Sarraute dit qu’il ne s’agit pas d’une autobiographie, mais de se souvenir d’instants dont elle cherche à retrouver la sensation en affinant le choix des fragments et des mots. Sous l’apparence du quotidien rassurant se cachent des petits drames que l’autrice évoque dans un dialogue avec son double. Ce qu’elle dit c’est ce que vit une enfant, ses émotions, ce qu’elle essaie de saisir à travers les conversations des adultes, son ressenti face aux mots dits en passant mais qu’elle prend au sérieux, des mots qui blessent et laissent une empreinte indélébile bien qu’à demi-enfouie au fond de sa mémoire. Dans les souvenirs de Nathalie Sarraute il y a les moments douloureux, la séparation des parents, l’indifférence et l’éloignement de la mère vécue dans la douleur, la peur de ne pas être aimée et il y a les moments heureux, les rires avec l’enterrement de la graine de courge chez son oncle maternel, l’amour de sa grand-mère (en fait la mère de sa belle-mère !)

Pas de décor dans la mise en scène de Tristan Le Doze, juste deux chaises et le jeu des éclairages qui faiblissent parfois comme les souvenirs qui s’effacent. Deux comédiennes, l’une en pantalon et chemisier fleuri (Anne Plumet incarnant Nathalie Sarraute), l’autre en robe dans le même tissu fleuri comme une sorte de double (Marie-Madeleine Burguet, l’interlocutrice privilégiée, la mère bien sûr, mais aussi la bonne ou la « grand-mère » ou d’autres encore). Anne Plumet peut être une Natacha retrouvant sa légèreté de petite-fille sautillante ou une Nathalie Sarraute plus grave, revivant les brûlures du chagrin, de la jalousie, de la soif d’amour. Marie-Madeleine Burguet est cette mère qui se place en arrière plan et dont le souvenir la pousse à revenir sur son enfance, mais aussi cette femme indifférente qui vit la présence de cette enfant comme une charge. Toutes deux sont formidables de justesse et de sobriété dans l’expression des émotions.

Quand Anne Plumet dit les mots qui concluent le livre « Il me semble que là s’arrête pour moi l’enfance … quand je regarde ce qui s’offre à moi maintenant, je vois comme un énorme espace très encombré, bien éclairé », le spectateur sent qu’il a rejoint Nathalie Sarraute sur les terres de l’enfance.

Micheline Rousselet

Du 16 au 26 février puis du 2 mars au 11 mai à la Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris – du 16 au 26 du mercredi au samedi à 19h – du 2 mars au 11 mai le mercredi à 19h – Réservations : 01 42 33 42 03 ou manufacture des Abbesses.com

Reprise de Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute dans le même théâtre du 3 mars au 14 mai les jeudis, vendredis et samedis à 19h (critique sur le blog)

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