Marianne, cinéaste reconnue installée dans sa maison dont la vue sur les falaises du Vercors est à couper le souffle, reçoit la visite d’une jeune scénariste envoyée par son producteur, pour l’aider à redémarrer le projet autour de Faust, sur lequel elle est en panne. Tandis que Marianne repart à Paris, son mari Lucas, professeur d’université à la carrière endormie, tout comme leur vie amoureuse, disparaît. Gendarmerie et police le cherchent partout sans succès, tant il est vrai que la géographie des lieux – falaises et végétation dense – rend difficile la découverte d’un corps. Le temps passe, Marianne se réinstalle dans la maison du Vercors et un jour un homme s’introduit chez elle. Il prétend être Lucas, il ne lui ressemble pas, est plus jeune que lui, mais il a sa voix, connaît des phrases dites à Marianne que seul Lucas pouvait connaître et il lui donne les indications qui permettent de retrouver le corps de Lucas.

On connaît le goût de Marc Lainé directeur de la Comédie de Valence, CDN Drôme Ardèche, auteur, scénographe et metteur en scène de cette pièce, pour la figure du fantôme. Dans toutes ses histoires, il y a des personnages qui disparaissent sans explication, laissant derrière eux des êtres blessés, hantés par des sentiments d’abandon et de culpabilité. Cette pièce est le second volet de ce qu’il nomme sa trilogie fantastique. La première partie installait un univers mystérieux pour la figure du fantôme avec une exposition dans les rues de Valence. Ici c’est Lucas, universitaire médiocre face à sa femme Marianne, qui même si elle connaît un moment de crise, est au sommet de sa carrière de cinéaste, qui choisit de disparaître. Quand un homme, Medhi Lamrani, se présente à elle, avec la voix de son mari mort, elle sait qu’il n’est pas Lucas, mais comment sait-il ce qu’il sait ? Elle veut savoir et est prête à se lancer dans une aventure avec cet homme plus jeune, plus séduisant, qui dit qu’il n’est pas Lucas mais un medium, capable à certains moments et de façon involontaire de se mettre au service d’artistes disparus. Que cache-t-il, que cachait Lucas et que cache Marianne ?

Au service de cette « enquête » Marc Lainé mêle, comme il le fait toujours avec un grand talent, texte, vidéo et musique enregistrée. Au service de ce drame psychologique transformé par la présence du fantôme, il a réuni une distribution de haut vol, en particulier deux acteurs avec lesquels il a déjà travaillé. Marie-Sophie Ferdanne,à la fois forte et fragile, campe une Marianne à un moment d’insécurité dans son métier et dans son couple, troublée par ce double de Lucas qui lui révèle des aspects inconnus de son mari et l’attire. Le chanteur Bertrand Belin (qui ne chante pas) est Lucas puis, après sa disparition, son fantôme. Comble de l’illusion et sommet de virtuosité, tandis qu’une caméra filme les différents personnages sur scène, Bertrand Belin lui n’apparaît jamais à l’écran. Tandis que la bouche de Yanis Skouta (Mehdi Lamrani) semble dire les mots, c’est Bertrand Belin que l’on entend. Adeline Guillot (en alternance avec Clémentine Verdier) et Jessica Fanhan complètent avec talent la distribution. L’usage de la vidéo et de la caméra, qui filme les acteurs en direct, va bien au-delà de ce qu’on en fait habituellement, un moyen de se rapprocher des comédiens. Ici cela devient un film à part entière alimentant le trouble de Marianne et celui du spectateur. C’est brillant.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 16 mars au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au vendredi à 20h30, samedi à 19h30 – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr – les 20 et 21 mars au Théâtre de Lorient, les 4 et 5 juin à l’Espace des Arts, Scène nationale de Châlon-sur-Saone

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