Quand on y pense, un entretien de carrière a quelque chose de fou ! Le demandeur doit l’emporter face à un interlocuteur avec lequel il est en relation de subordination. Autant dire qu’il doit vaincre dans un échange tout en restant inférieur. Cela peut amener à certaines contorsions. Il faut ajouter à cette relation de pouvoir d’un patron sur une employée, le risque d’un abus de ce pouvoir de la part du premier et parfois une tentative d’obtenir des faveurs sexuelles plus ou moins consenties par la seconde. L’autorité a une mauvaise tendance à s’identifier à de la séduction ! Tensions, angoisses, absurde paroxystique.

Tel est le fond de la proposition d’Armande Sanseverino et de Gaël Germain, un duo très originalement joint par cette pièce. En dehors du jeu de mots, les deux comédiens et danseurs sont effectivement étroitement liés dans cette aventure étant donné qu’ils ont tout fait ensemble : conception, mise en scène, chorégraphie et interprétation ! Il en ressort un moment de théâtre assez inédit. Pas seulement parce qu’il est aussi un sacré moment de danse, en un mot une performance hybride hors norme, mais parce que En pièce jointe intègre d’une façon surprenante le mouvement et la parole. Danse et théâtre sont associés à un point tel qu’ils en deviennent un autre langage : les gestes sont saccadés, les mots suivent et au bégaiement verbal dû aux tensions de la situation répond une gestuelle bégayante ou l’inverse. À cela s’ajoute un dispositif si contraignant qu’il ne peut que tout faire péter ! Au sol, un carré blanc assez restreint où se trouve le fauteuil du patron. Au commencement, il s’y tient assis et Madame Paravent [sic !] qui fait sa demande de promotion se tient debout, de côté mais derrière le fauteuil, infériorité hiérarchique oblige – à l’arrivée ce sera autre chose ! Très vite une gesticulation physico-linguistique s’empare des personnages et tout s’emballe dans une folle spirale !

Il ne faut pas en dire plus si tant est qu’on le pourrait car le spectacle est fait pour les yeux et les oreilles. Pour les mâchoires aussi, car on rit beaucoup, d’un rire qui contient de l’effroi et aussi le sentiment d’une vérité crue, d’une mise à nu d’une situation sociale connue de beaucoup dans la salle. Un spectacle décapant qui vaut largement une analyse sociologique des rapports de pouvoir dans l’entreprise…

Signalons que la création sonore parfaitement intégrée au spectacle est également d’Armande Sanseverino et de Gaël Germain, en collaboration avec Mehdi Saleh Alphaxone et Pascal Bricard. Remarquable création lumière d’Emmanuelle Stâuble.

Comment cela peut-il finir ? Mais cela peut-il finir ?

Jean-Pierre Haddad

Avignon Off. Du 3 au 21 juillet 2024. Théâtre du Train Bleu, 40 rue Paul Saïn, Avignon 84000.

Tournée : le 27 août à 20h45, Festival Mousson d’été, Pont à Mousson (54) ; le 28 septembre, la Courée Collégien (77) ; les 21 et 22 novembre à 20h30, Maison des Arts de Créteil – Scène nationale (94 ; le 28 novembre à 20h30, Les 3 Pierrots, Saint Cloud (92) ; le 13 décembre à 20h30, Théâtre Eurydice, Plaisir (78).

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