Pour ses retrouvailles avec le public, après cette période difficile pour les acteurs du théâtre vivant, le metteur en scène Christophe Lidon a voulu nous convier à traverser le miroir. Il nous invite au filage d’une pièce, et pas n’importe laquelle, le chef d’œuvre de Molière, Dom Juan, qui, sous le masque de la comédie, explore ce qu’il y a de plus sombre dans l’âme humaine. Le public accède ainsi au processus de la création, au choix d’un décor, d’un costume, d’un son, d’un départ de musique, mais aussi aux propositions des acteurs ou du metteur en scène, placé dans la salle, pour la construction psychologique d’un personnage. Pourtant c’est bien à la représentation de Dom Juan que l’on assiste.

Dom Juan, libertin n’écoutant que ses désirs, éprouvant le plus grand des plaisirs à séduire et n’hésitant ni à mentir ni à tromper pour arriver à ses fins, enchaîne les conquêtes. Il épouse sans hésitation, si la conquête est à ce prix. Il a ainsi séduit Elvire, qu’il a tirée du couvent et qu’il abandonne sitôt épousée. Sganarelle, son serviteur, tout en ayant l’air de servir les desseins de son maître, s’inquiète de son amoralité et de son impiété. Dom Juan se moque de tous, d’Elvire, de son père, de ses créanciers, des petites paysannes Charlotte et Mathurine auxquelles il se plaît à tourner la tête, de Pierrot l’amoureux de Charlotte, et même du Commandeur, le spectre d’un homme qu’il a tué auparavant. Il ne craint ni la vengeance des femmes ni la colère de Dieu.

La scénographie est légère, une toile peinte de fleurs en fond de scène, des portants de vêtements dans un coin. Point besoin de statue du commandeur impressionnante, les sons et une lumière plus sombre suffisent, L’horloge sonne discrètement l’heure qui passe dans l’attente du Commandeur et le cri de Sganarelle accompagne la mort de Dom Juan.

De la distribution convaincante (Jean-Marie Galey, Valentine Galey, Grégory Gerreboo, Mathieu Métral et Rose Noël) on retient surtout Christelle Reboul, bouleversante Elvire, tentant de ramener à elle Dom Juan. Jouant le jeu des propositions d’un filage, elle propose deux versions de sa scène, l’une digne où elle en appelle à la vengeance du ciel et une plus plaintive avec la voix qui se brise.

Christophe Lidon a surtout choisi deux artistes magnifiques. Maxime d’Aboville est Dom Juan, séducteur diabolique et cynique, lutinant Charlotte et indifférent face aux plaintes d’Elvire, utilisant ouvertement Sganarelle pour se couvrir, se moquant de Dieu et de tous. Marc Citti incarne lui un Sganarelle profondément humain. Loin du visage du valet servile qu’on lui donne parfois, il apparaît surtout comme le négatif de Dom Juan, celui que sa condition contraint à faire semblant d’approuver la conduite de son maître mais qui défend les valeurs morales. Leur interprétation fera date.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 15 octobre au CADO, Théâtre d’Orléans, boulevard Pierre Ségelle, 45000 Orléans – 17 novembre à Chaville – 25 novembre à Boulogne – 7 décembre à Neuilly-sur-Seine

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