Stéphanie Loïk poursuit le travail qu’elle avait entrepris en 2015 avec La fin de l’homme rouge ou Le temps du désenchantement , d’après le livre éponyme de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015.

Cette fois elle s’intéresse à la partie du roman-document consacrée aux attentats (groupe scolaire de Beslan et métro de Moscou en 2004) et aux séquelles laissées aux victimes : angoisse de ne pas pouvoir sortir du lieu de l’attentat, peur récurrente de reprendre le métro. Puis elle s’attache au conflit du Haut-Karabakh, où s’affrontèrent Arméniens et Azéris, en relatant l’histoire d’amour d’une jeune Arménienne et d’un Azerbaïdjanais. Un pogrom anti-arménien déclenche des vagues de violence qui ensuite atteignent les Azerbaïdjanais, amenant Moscou à prendre le contrôle de la région. La conjugaison de ces massacres et des attentats ont eu des conséquences profondes et vivaces dans l’attitude des Russes vis-à-vis des Caucasiens.

Théâtre : 10 histoires
Théâtre : 10 histoires

Vêtus de noir, les six jeunes acteurs, trois hommes et trois femmes disent le texte, s’adressant au public comme autant de narrateurs. Le texte est fort, porteur d’émotions qui s’impriment dans la mémoire. Une voix dit « Ce sont nos voisins qui ont fait cela. Jusqu’à présent c’étaient des gens normaux » une autre « On voit un terroriste dans tout caucasien. Je les hais tous ». Le groupe porte le texte. Les voix forment un chœur qui fait entendre les témoignages. Les voix racontent les emplois précaires et mal payés. Elles montent, pour dire la peur d’être renvoyés qu’ont les Caucasiens réfugiés à Moscou, jusqu’au cri « mais où pourrions-nous aller ? » Mais c’est surtout par les corps que passent les émotions, des corps qui prennent le relais des mots, des corps qui tombent l’un après l’autre lorsqu’il est question des attentats ou qui oscillent comme pris de vertige, des corps qui se regroupent comme dans les statues de l’ère soviétique ou se séparent comme les Arméniens et les Azéris. Une fille est lancée en l’air comme un corps frappé par une explosion, une autre prise de panique grimpe sur les épaules des autres avant de retomber, la jeune Arménienne arrondit ses bras comme pour protéger l’enfant qu’elle porte, les mains se tendent, les visages s’enfouissent dans les mains pour cacher la douleur. Encore plus que dans La fin de l’homme rouge , la chorégraphie se met au service de l’émotion dans le droit fil de ce que disait Svetlana Alexievitch : « Je regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne ». Musique (bruits stridents, musique arménienne ou russe) et éclairages servent les images d’une société qui se fracture.

Les aspects contradictoires de la fin du communisme s’incarnent avec force dans ces Dix histoires au milieu de nulle part. Comme le dit un des Caucasiens à la fin : « avant nous étions tous des soviétiques, maintenant nous sommes des individus de nationalité caucasienne ».

Micheline Rousselet

Jusqu’au 5 novembre, du mercredi au samedi à 19h30, diptyque le dimanche : à 15h La fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement, à 17h15 Dix histoires au milieu de nulle part

Anisgras/Le lieu de l’autre
55 avenue Laplace, 94410 Arcueil
Réservations 01 49 12 03 29 Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours

Du 29 novembre au 22 décembre, lundi, mercredi, vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19h, diptyque le dimanche : à 16h La fin de l’homme rouge, à 18h15 Dix histoires au milieu de nulle part

L’Atalante
10 place Charles Dullin, 75018 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 46 06 11 90


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