Il est né au moment précis où la France marquait son troisième but lors de la finale historique de la Coupe du Monde de Football en 1998. Son père fan de foot l’a prénommé Diego, comme son idole Maradona. Son destin semble tout tracé pour son père qui le pousse vers les pelouses des stades et les entraînements. Mais Diego semble plus à l’aise sur le banc de touche et préfère admirer les autres surtout celui qu’il juge comme une graine de champion, Jude. Pourtant il ne peut pas rester toute sa vie spectateur professionnel, c’est par le théâtre qu’il est attiré. Il ira à Paris pour ses études, se cherche, tombe amoureux, s’éloigne de sa famille et de sa province. Il s’interroge sur la virilité, l’émancipation, la réussite, il aura les émois d’un jeune homme qui cherche s’il préfère les filles ou les garçons, les remords d’un transfuge de classe, il échouera, se reprendra. Il vit.

Hugo Randrianatoavina et Barthélémy Fortier ont imaginé cette histoire. Le premier est fan de foot, pas le second, mais celui-ci, sensible à la fièvre qui enflamme les stades pour ces finales, à la liesse populaire et à la ferveur des supporters l’a suivi dans ce projet. Ils ont fait appel à Alexandre Cordier pour les aider à l’écriture et faire de ce récit une musique avec ses enthousiasmes, ses hésitations.

Hugo Randrianatoavina incarne ce jeune homme de ses six à ses vingt ans. Barthélémy Fortier le met en scène dans une étonnante performance sportive et théâtrale. Au fond du plateau, une vidéo avec cette finale mythique, le troisième but qui voit la victoire de la France et la liesse qui s’empare du stade tandis que le petit Diego à la maternité pousse son premier cri. Une vidéo que l’on reverra à la fin avec en même temps les images du concert de Maradona, grossi et vieilli mais toujours idole de tout un peuple.

Hugo Randrianatoavina court sur un tapis de course, dont il descend parfois, tout en nous racontant son histoire, ses espoirs, ses hésitations, ses doutes. Même si on n’est pas fan de foot, on sourit de ce fils qui croit que la photo au mur du salon est celle de son grand-père alors que c’est celle de Maradona, on est ému par ce père qui repasse toujours la cassette VHS du fameux match. Le comédien incarne Diego, mais aussi les filles qui minaudent, le séduisant Jude qui provoque ses premiers émois amoureux, ses nouveaux amis parisiens. Il est ce jeune homme qui quitte sa famille, découvre un autre monde à Paris, mais reste dans cet entre-deux des transfuges de classe. On le voit improvisant le commentaire télévisuel lors du match de 1986, avec le fameux but de la main de Maradona, ou hurlant d’enthousiasme devant la télé lors de la coupe du monde de 2018 tandis que ses amis parlent théâtre et qu’il est dans la préparation d’un concours qui lui ouvrirait les portes d’une prestigieuse école à New-York. Il porte la fierté de celui qui a réussi à aller au bout de son rêve, tout comme les regrets de ce qu’il a laissé derrière lui. Il est formidable.

Nul besoin d’être fan de foot ou d’avoir lu tout Bourdieu pour aimer ce magnifique portrait d’un transfuge de classe.

Micheline Rousselet

Spectacle vu au Cresco de Saint Mandé – Festival d’Avignon du 7 au 25 juillet au Théâtre de La Reine Blanche d’Avignon à 16h45 – Relâche les 12 et 19 juillet

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