En écrivant et en mettant en scène Des roses et du jasmin Adel Hakim veut nous raconter la difficile relation des Juifs et des Palestiniens en Israël depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Après la création d’ Antigone , qui a été jouée dans de nombreux pays par le Théâtre National Palestinien, il a conçu ce spectacle qui lui fait écho. Comme dans la tragédie grecque, il s’agit de tisser une toile où se mêlent histoire intime et histoire sociale et politique. Ici ce sera une famille, où les mariages ont mêlé Britanniques, Juifs et Arabes, dont on suivra le destin fracassé sur trois périodes, de 1944 à 1948, date du départ des Britanniques et de la Nakba, de 1964 à 1967, date de la guerre des Six Jours et enfin en 1988, date de la première Intifada.
Confronté à des difficultés aussi nombreuses que variées, c’est un miracle que cette pièce ait pu voir le jour. Ainsi le Théâtre National Palestinien, en vertu d’accords entre l’Autorité Palestinienne et Israël, ne peut recevoir de subventions ni de cette Autorité qui ne peut en délivrer à Jérusalem, ni d’Israël sous peine de perdre toute liberté de programmation ! Par ailleurs jouer à Jérusalem ou en Cisjordanie une pièce où l’on voit un drapeau israélien flotter sur scène, où l’on aperçoit derrière une paroi de verre dépolie la silhouette d’une jeune fille obligée de se déshabiller pour un interrogatoire, où l’on parle de la Shoah et où l’on dit aux Juifs comme aux Palestiniens que ceux qui peuplent le camp d’en face sont aussi des hommes, tout cela n’allait pas du tout de soi !
Adel Hakim, suivi par la troupe, s’est accroché à son projet humaniste, l’a adapté à l’Histoire qui continuait à dérouler son fil, a souligné le rôle des anciens dans la perpétuation des idées racistes et erronées et a même réussi à introduire des éléments d’humour dans cette tragédie. Il a su trouver des images comme celle de l’araignée suspendue à son fil coincée entre les oiseaux prêts à la croquer et le marécage où l’attendent les grenouilles pour décrire la situation des Palestiniens. Il suscite le rire quand il met en scène les fantômes de la première époque admirant Jérusalem en 1988 « une ville propre qui fonctionne avec efficacité » avant de conclure « tout ça pour ce système de merde ». Comme dans la tragédie grecque, il souhaitait donner une place au chœur. Ce sont donc deux hommes à l’allure clownesque dans la première partie et deux femmes, sortes de sorcières en robe rouge échappées de Macbeth , qui vont faire office de chœur, interpellant le public et le faisant passer d’une époque à l’autre, philosophant sur la responsabilité des hommes dans cette tragédie. Les musiques choisies ont un sens. Quand un acteur raconte le massacre de Sabra et Chatila, on entend la chanson de Léonard Cohen Everybody knows . Les acteurs évoluent avec aisance sur la grande scène du Théâtre des Quartiers d’Ivry et sont très convaincants.
Même si on peut parfois regretter le côté un peu démonstratif et manichéen de la pièce, on est emporté par le souffle tragique de cette histoire, par le combat de ces hommes et de ces femmes qui auraient voulu pouvoir vivre ensemble et s’aimer.
Micheline Rousselet
Spectacle en arabe, sur titré en français
Lundi et vendredi 20h, le jeudi à 19h, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Relâche les mardis et mercredis.
Théâtre des Quartiers d’Ivry
Manufacture des Œillets, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 90 11 11
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