Un matin alors qu’il faisait son jogging, Antoine Moront, 31 ans, héritier et cadre dirigeant d’une entreprise de biotechnologie qui compte, est enlevé par un groupe inconnu. Cette entreprise Timbergenetics, spécialisée dans la recherche génétique et la mutagenèse, est soupçonnée d’avoir, par ses produits destinés à traiter les arbres, provoqué le cancer d’une agricultrice Anne Bredin. Condamnée à une forte indemnisation en première instance l’entreprise a réussi, grâce à une batterie d’avocats experts, à être relaxée en appel. Les media se font le relais des revendications et des menaces du groupe qui a enlevé Antoine. Un long huis-clos démarre ponctué de discussions entre Antoine et ses ravisseurs, sous la pression d’une opinion publique plutôt favorable aux ravisseurs et avec une famille pas très pressée de délivrer l’otage.
Le spectacle est produit par le Théâtre Nanterre-Amandiers dirigé par Christophe Rauck. Lucas Samain, qui a écrit le texte et assure la mise en scène, est issu de l’École du Nord dirigée par Christophe Rauck et a été dramaturge de plusieurs de ses récents spectacles tout comme des derniers spectacles de Tiphaine Raffier à l’Odéon. Intéressé à la fois par la crise écologique que nous vivons et la fin des mouvements révolutionnaires, qui dans les années70-80 pratiquaient l’enlèvement politique, le jeune auteur a souhaité raviver le débat sur l’usage de la violence en le plaçant au cœur du combat pour l’écologie. Au fur et à mesure que la détention de l’otage se prolonge, la situation s’enlise. Les media, au début omniprésents, commencent à se désintéresser de l’affaire et des questions se font jour parmi les ravisseurs. On pense bien sûr à l’assassinat d’Aldo Moro mais aussi au Baron Empain auquel les ravisseurs avaient coupé un doigt et dont la famille ne s’activait guère pour négocier sa libération. Au fur et à mesure que la pièce avance, le public est placé dans une position délicate. Il peut approuver le combat écologique, détester Antoine Moront et les choix du capitalisme libéral, qu’il représente avec le cynisme le plus parfait, mais est-il prêt à accepter la violence pour faire aboutir ce combat quand les discussions ne suffisent plus ?
La pièce se présente comme un huis-clos rassemblant l’otage et ses ravisseurs dans une pièce. Des petits écrans vidéo scandent dates et événements extérieurs. Ravisseurs et otage ont à peu près le même âge que leur captif. La pièce est portée de façon convaincante par cinq jeunes comédiens et comédiennes (Caroline Fouilhoux, Alexandra Gentil, Jeremy Lewin, Adrien Rouyard, Etienne Toqué) dont quatre sont, comme le metteur en scène, issus de l’École du Nord.
La pièce est à la fois intéressante et un peu frustrante. La situation évoquée, une agricultrice mourant d’un cancer provoqué par des produits phytosanitaires, dont l’entreprise qui les produit connaissait parfaitement les risques, crée forcément l’indignation de l’opinion. Mais celle-ci est-elle prête pour défendre cette cause à accepter la violence sur un individu ? Sur la scène les débats s’enlisent, le spectateur se lasse et c’est dommage.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 10 février au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr
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