Deux frères, Henri et Tobias se retrouvent dans un appartement vide et un peu délabré qui fut celui de leur famille. Ils attendent leur frère Carl, qui comme d’habitude est en retard, pour décider de la vente de cet appartement. L’attente se prolonge, ils ne se sont pas vus depuis deux ans et meublent le silence en parlant responsabilité du retard de Carl (sa femme, ses habitudes ?), boulot, affaires, fric, arrêter de fumer, allergies. Assez vite la situation déraille, ils se jaugent, se provoquent, s’énervent l’un contre l’autre. Tout devient occasion d’oppositions et de querelles. Les souvenirs affleurent, les jeux d’autrefois à celui qui dominerait l’autre ressurgissent, chacun sait tellement bien ce qui agacera l’autre. Après tout ils sont frères et tout est porté au paroxysme par l’absence de Carl qui n’arrive toujours pas.

Théâtre : Dépendances
Théâtre : Dépendances

Le Libanais Charif Ghattas, auteur du texte et metteur en scène, réussit à faire de cette histoire en apparence banale une situation mystérieuse, inquiétante, où la tension monte, où le spectateur s’interroge, cherche des signes pour comprendre ce qui se passe. Ce dont il est sûr c’est que la fratrie est le cœur du sujet. Ces deux hommes ne se verraient plus s’ils n’étaient que des amis, mais ils sont frères et en dépit des vieilles rancunes, de l’art qu’ils ont porté à la perfection d’exploiter les faiblesses de l’autre, ils restent liés, d’autant plus que l’absence de Carl cristallise beaucoup de sentiments entre eux.

La mise en scène de Charif Ghattas est épurée, un plateau presque nu, des lumières qui soulignent la froideur du lieu et dessinent avec précision les silhouettes des deux hommes, une bande-son de cris de mouettes et de bruits de vagues au milieu desquels retentissent parfois des rumeurs de jeux d’enfants. Toute la place est laissée aux comédiens. Francis Lombrail entrepreneur de bâtiment mène le jeu, provocateur, moqueur, porté sur la contradiction ce qui agace prodigieusement son frère. Face à lui Thibault de Montalembert opaque, plus mystérieux, mais contraint à la défensive. Tous les deux se coordonnent à la perfection, ils s’observent en silence, s’éloignent, se rapprochent, se tiennent immobiles, pensifs. Quand ils se parlent l’inquiétude redouble et pourtant tout leur passé de frères les rapproche.

Alors qu’a priori on pourrait penser qu’il s’agit simplement d’une histoire de fratrie avec ses petites complicités et ses rivalités, l’auteur réussit à donner à la pièce un côté mystérieux et inquiétant sublimé par la mise en scène et le jeu des acteurs. Mais après-tout la famille ne cache-t-elle pas souvent sous son apparence lisse et sans histoire bien des névroses ?

Micheline Rousselet

Tous les jours sauf les lundis à 18h30

Théâtre du Rond-Point

2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21


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