Une jeune conférencière se présente dans une classe, envoyée par une start-up spécialisée dans les jeux vidéo éducatifs. À l’aide d’un power-point, elle présente aux élèves un jeu qui va les aider dans leurs connaissances en histoire. Pour cela, elle a besoin de deux élèves acceptant d’être les cobayes du jeu, qui a la particularité d’être personnalisé. Mais lorsqu’elle entre les données des élèves, le logiciel commence à se montrer récalcitrant et alors qu’elle essaie de se faire elle-même cobaye de sa présentation, les bugs bloquent tout la renvoyant à ses propres zones d’ombre. Elle commence alors à parler aux élèves de sa jeunesse libanaise, de l’école où on lui a tout appris de l’histoire de la France et du grandiose passé lointain de la Mésopotamie, en occultant complètement l’histoire plus récente du Liban et de la guerre civile qui l’a ensanglanté de 1975 à 1990. Sa lecture du Journal d’Anne Franck et une dispute à propos d’une fake news avec son père, qui ne lui a jamais parlé de cette guerre civile, la conduisent à s’interroger sur sa propre histoire.
Depuis Notre histoire spectacle créée en 2020 Jana Klein et Stéphane Schoukroun poursuivent leur travail au croisement du théâtre documentaire et de l’autofiction. Animés par la volonté de lutter contre la diffusion de fake news et des thèses négationnistes ils se sont demandés comment enseigner l’Histoire autrement et se sont posés la question : l’Histoire, à quoi ça sert ? Ils ont entamé un dialogue avec des élèves d’un collège de Gonesse et une réflexion sur l’Histoire, qui a nourri l’écriture de Jana Klein. Comment s’assurer de la vérité historique, comment faire le tri entre rumeurs et faits établis, comment tisser histoire individuelle et grande histoire ? Avec les enseignants, ils les ont encouragés à explorer leur histoire familiale et à s’interroger sur ce qui les pousse à croire certaines sources et pas d’autres.
La mise en scène de Jana Klein et Stéphane Schoukroun crée une ambiance très proche de l’univers des adolescents à l’école. On réfléchit, on s’énerve un peu, on se plaît à apprendre, et on sourit.
La jeune comédienne libanaise Ada Harb est très convaincante aussi bien en conférencière débordée par son logiciel qui dysfonctionne qu’en adolescente libanaise évoquant la façon dont son père finit par lui raconter, à coups de post-it, l’histoire de son pays, symbolisé par une petite croix « en bas de la Syrie ». Elle est vive, drôle, émouvante aussi quand elle se met à observer les traces laissées par la guerre sur une maison de Beyrouth car les murs aussi parlent de l’histoire.
Décodage peut se jouer dans une salle de classe, une bibliothèque, un centre social. Le spectacle dure 55 minutes et est suivi d’un débat, qui, le jour où je l’ai vu avec une classe de terminale, a soulevé des remarques très intelligentes et sensibles de la part des élèves.
Micheline Rousselet
Spectacle vu au Palais de la Porte Dorée – Informations sur le site de la compagnie (S)-Vrai – Dans le cadre du Festival Off d’Avignon à La Cour du Spectateur du 2 au 29 juillet à 16h10 (sauf les 17 et 24) – à noter qu’un autre spectacle écrit par Jana Klein, L la nuit se jouera au Train Bleu du 7 au 19 juillet à 10h40 (sauf le 13)
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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