Ils terminent le lycée. Ils sont cinq. Léa est déterminée et veut sauver la terre entière, Eliott se voit bien en fonctionnaire tranquille et propose, dès qu’un conflit s’amorce, d’aller fumer un joint, Parvaneh envisage de retourner en Iran, pour ne plus se sentir coincée entre deux cultures, Jonathan deale et juge le monde avec distance et froideur, bien décidé à se laisser porter par ses désirs. Et puis il y a Cécile, celle qu’on laisse à l’écart, qui pleure facilement et s’effraie du moindre contact. Ils ont le langage et les préoccupations des adolescents, le sexe, l’avenir. Ils en ont aussi la cruauté.
Après le succès de Chute d’une nation et de Les témoins, pièces plus politiques, Yann Reuzeau dans celle-ci se penche sur l’intime, sur cette adolescence âge de tous les possibles, où l’on se demande dans quelle direction aller, si ce qui a fait la vie d’avant va se transformer complètement et où on s’interroge sur ses amis en se demandant si on continuera à les voir. Yann Reuzeau s’installe dans cet entre-deux. Il ne révèle pas des parcours de vie mais seulement des instants, il dessine la silhouette de ces adolescents devenus des jeunes gens, qui se retrouvent, ou pas, sans qu’on sache très bien ce que fut leur vie dans cet entre-deux. Entre ambitions déçues et désenchantement il semble à la toute fin rester une petite place pour un projet qu’ils avaient évoqué autrefois.
Yann Reuzeau, aussi metteur en scène, a choisi pour les interpréter de jeunes acteurs encore en formation ou tout juste sortis des écoles de théâtre. Ils se parlent, se cognent avec la force de leurs émotions, déplacent les meubles pour passer d’un lieu et d’un moment à un autre. Gaïa Samakh incarne avec fougue et énergie une Léa pleine de rêves et d’ambitions que la vie (mais on ne sait pas quoi) semble avoir brisés. Julian Baudoin est Eliott qui quitte sa mollesse adolescente pour se lancer dans des études supérieures, Gabriel Valadon a le nihilisme et l’opacité de Jonathan. Inès Weinberger, en Parvaneh, et Clara Baumzecer, en Cécile toujours au bord des larmes, les accompagnent. Ils ont la jeunesse, les espoirs et les désespoirs de ces jeunes à l’aube de leur vie d’adulte.
Micheline Rousselet
À partir du 24 août à La Manufacture des Abbesses – 7 rue Véron, 75018 Paris – les mercredis, vendredis et samedis à 21h, le dimanche à 17h – Réservations : 01 42 33 42 03 / manufacturedesabbesses.com
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