Dans une pièce en désordre encombrée d’objets divers, de piles de journaux et d’une cage à lapin, où le rouge d’un tabouret en plastique et d’un téléphone apporte une note sensée être gaie, une mère dort sur un canapé sous lequel traînent des bouteilles vides. Ses deux filles sont là, Matilda, 13 ans, socquettes et chaussures un peu vieillottes aux pieds, et Ruth, 17 ans, coquette en robe aux dessins psychédéliques. La première se passionne pour les sciences, a été repérée par ses professeurs et mène une expérience scientifique sur l’influence des rayons gamma sur les marguerites. La seconde a surtout pour ambition de plaire, soigne son maquillage, emprunte à sa mère cigarettes et rouge à lèvres et souffre de crises d’épilepsie. La pièce de Paul Zindel, reprise à l’écran par Paul Newman en 1972, trace un portrait magnifique de cette femme Béatrice Hunsdorfer, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts pour élever ses deux filles dans l’Amérique des années 70 en pleine mutation. Elle rêve d’ouvrir un salon de thé élégant, qu’elle appellerait Comme à la maison, pour en rappeler l’ambiance chaleureuse dit-elle, alors que c’est plutôt l’enfer que fait régner dans la maison cette mère fantasque, frustrée, qui autorise, puis interdit, insulte ses filles, les pousse à entrer dans la danse avec elle avant de détruire tout ce qu’elles aiment.

Théâtre : De l'influence des rayons...;
Théâtre : De l’influence des rayons…;

On comprend qu’Isabelle Carré ait été séduite par le personnage. Vêtue d’une large et longue tunique hippie jaune et rouge sur un pantalon pattes d’éléphant, elle passe de l’hébétude du réveil à une agitation qui peut la mener à danser follement ou à se lancer dans des décisions aussi autoritaires qu’arbitraires. Elle en veut au monde entier qu’elle juge responsable de son échec. Elle est tour à tour monstrueuse d’égoïsme et de méchanceté puis touchante, quand elle révèle ses failles, sa vie ratée et ses rêves dérisoires. Alice Isaaz et Armande Boulanger (en alternance avec Lily Taïeb) résistent bien au tourbillon de cette mère qu’incarne avec tant d’énergie Isabelle Carré. La première est Ruth. Elle donne au personnage de l’épaisseur, révélant sous sa frivolité sa fragilité de jeune fille un peu rebelle, qui veut plaire, qui a honte de sa sœur, une intello mal attifée et de sa mère, une « folle ». Armande Boulanger campe une Matilda timide, qui veut plaire à sa mère pour en être aimée, en supporte les railleries, mais poursuit ses recherches, en dépit de toutes les barrières que sa mère dresse contre sa réussite scolaire, et dont on sent bien qu’elle sera la seule à s’en sortir.
On a rarement tracé un portrait aussi sensible de ce que la famille peut contenir de douceur et de cruauté, d’amour et de jalousies, de révoltes et de frustrations et Isabelle Carré mène la danse, au propre comme au figuré, de façon magistrale. Elle est formidable.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 19h et le samedi à 17h
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin, 75018 Paris
Réservations : 01 46 06 49 24
Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours


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