Estelle Savasta, l’autrice et la metteuse en scène du spectacle, avait depuis longtemps envie d’écrire sur l’aide sociale à l’enfance (ASE) mais son projet restait inabouti car elle ne voulait pas d’un théâtre documentaire. On lui a alors raconté l’histoire incroyable d’un couple qui s’est reconstruit après le désastre. Elle a interviewé ce couple puis rencontré des professionnels de l’ASE, des enfants placés devenus adultes… Et l’histoire de Nora est née avec la complicité des comédiens et comédiennes qui ont participé à l’écriture lors d’improvisations.

Quand le spectacle commence, Nora adulte se demande quelle musique mettre pour s’adresser aux invités venus assister à une fête (anniversaire, mariage ?) . Puis le noir se fait et vont s’enchaîner des saynètes ne respectant pas l’ordre chronologique racontant son histoire : son placement en famille d’accueil, puis quand la famille d’accueil déménage, son errance de familles d’accueil en foyer, sa rencontre avec Ariane qui deviendra sa meilleure amie, le mariage d’Ariane et de Nino… Les saynètes brèves s’enchaînent sans temps mort et nous sommes happés par cette histoire que nous reconstruisons.

Estelle Savasta a parfaitement réussi à ne pas faire un théâtre purement documentaire. Certes on voit la réalité de l’ASE, les décisions catastrophiques pour les enfants prises à cause du manque de moyens et de personnel, les aberrations : à 18 ans, les jeunes ne sont plus pris en charge et Nora disparaît. Mais Estelle Savasta nous entraîne aussi dans un monde plus léger, décalé voire onirique. Certaines scènes nous font franchement rire ; d’autres nous émeuvent ; d’autres encore sont de vraies chorégraphies loin du réalisme. L’autrice met en scène la force de l’envie de vivre et de la résilience sans rien édulcorer.

Le décor dépouillé (une grande table, des chaises et en fond de scène des draps cousus avec les initiales des prénoms des personnages brodés : N et A) permet l’enchaînement sans temps mort des saynètes et met en valeur le jeu des comédiennes et comédiens. Le tissage des prénoms sur le drap de fond de scène est une idée ingénieuse pour montrer qu’Ariane, Nino et surtout Nora tissent leur vie avec une belle envie de liberté.

Tous les comédiens et comédiennes sont excellents. Zoé Fauconnet incarne une Nora émouvante, ballottée de famille en famille, en foyer mais déterminée à s’en sortir. Clémence Boissé est une Ariane joyeuse, pleine de vie et d’humour. Matéo Thiollier-Serrano (Nino) joue de ses talents de circassien pour nous livrer de vraies chorégraphies. Les autres comédiens et comédiennes (Nadja Bourgeois, Valérie Puech et Olivier Constant) très convaincants passent d’un rôle à l’autre avec une grande fluidité.

Un très beau spectacle qui nous émeut et nous fait rire.

Frédérique Moujart

Jusqu’au 19 octobre, du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 19h30 et le dimanche à 16h – Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8ème – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr – En tournée : du 26 au 28 novembre, Théâtre de Sénart, Scène nationale (77) – les 5 et 6 décembre, Théâtre de Sartrouville, CDN (78) – les 7 et 8 janvier 2026, Théâtre d’Angoulême, Scène nationale (16) – le 5 mars 2026, La Passerelle, Scène nationale, Saint- Brieuc (22) – le 7 mars 2026, Centre Culturel Jacques Duhamel, Vitré (35) -le 9 avril 2026, Théâtre de Mende (48)

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