
Une femme Iris, revient sonner à la porte de l’appartement de ses parents dans la ville qu’elle a quittée brusquement dix ans auparavant. Après son départ son frère s’est suicidé. Les parents continuent à vivre dans cette ville peu à peu gagnée par le chômage où la mère a été embauchée à l’usine qui a licencié le père. Iris est journaliste, elle dit qu’elle vient faire une enquête sur la délinquance. Elle a pris une chambre à l’hôtel et dit qu’elle ne va pas rester longtemps. Soir après soir face à un père fuyant et une mère blessée, elle va tenter de dire ce qu’elle a vécu et renouer le dialogue brisé par son départ inexpliqué et le suicide de son frère, qui l’est tout autant pour les parents. Dans cette famille où l’on a du mal à dire, tous vont tenter de comprendre ce qui s’est passé et voir ce qu’ils n’avaient pas vus.
Marie-Pierre Cattino excelle à créer ces dialogues où chacun s’enfuit sur des banalités, ces silences interminables où chacun s’enferme dans ses tourments, où les interrogations ressassées ne peuvent trouver des réponses que si la parole arrive à trouver sa voie, par-delà la colère, les ressentiments, les regrets et le chagrin.
La mise en scène d’Heidi-Éva Clavier fait apparaître peu à peu des fragments de l’histoire où passé et présent se superposent, où Iris se glisse dans ce qu’on imagine être des rues et dans l’appartement de ses parents et où tous se battent avec les lambeaux de leur mémoire. La pièce commence par un monologue du frère qui dit le retour d’Iris, commente son arrivée et annonce qu’il est mort. Ce frère, interprété par Valérian Béhar-Bonnet en alternance avec Thomas Justine, sera presque toujours présent. Il observe, parle peu, la musique ou le bruit remplaçant parfois ses silences. C’est peu à peu que la vérité sordide se révélera entre les ellipses et les silences de cette famille, où la honte, la peur du qu’en dira-t-on et l’incapacité à dire ses sentiments a enfermé chacun dans sa solitude. C’est sa sœur Iris, qu’interprète Marion Trémontels, qui fera sentir à sa famille tout son ressentiment, leur révélera la vérité et finira peut-être par renouer le dialogue. On retient surtout François Clavier en père taiseux, broyé par la vie. Sa présence massive, opaque, ses entrées silencieuses impressionnent. Coco Felgeirolles est parfaite en mère qui s’est tant interrogée sur le suicide de son fils, qui pensait toujours à la complicité du frère et de la sœur enfants, fuit dans le quotidien et n’a pas su voir le drame.
La conclusion dans sa brutalité dit tout. Le père dit « elle est revenue, c’est l’essentiel » et la mère « elle est repartie. Maintenant on sait, c’est ça l’essentiel, savoir ».
Micheline Rousselet
Jusqu’au 10 octobre à l’Espace 93 à Clichy-sous-Bois, les 7, 8, 9 novembre au Théâtre El Duende à Ivry-sur-Seine, le 8, 9, 12, 15 et 16 janvier 2026 à la Grange à Dîmes à Écouen (95), les 22 et 23 janvier 2026 au Magasin à Malakoff, le 10 mai 2026 à L’Arlequin à Morsang-sur-Orge (95), le 12 mai 2026 au Théâtre des 2 Rives à Charenton le Pont (94)
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