À l’aide d’une branche, une petite fille imagine la porte de sa maison, elle la déplace pour en faire la porte de sa chambre ou son petit frère agaçant ou encore la fenêtre qui lui offre un paysage, la mer, la montagne, un berger et ses moutons. Dans la scène suivante une vieille dame, habillée comme l’enfant, apprend d’un promeneur, qui passe en élégant et mystérieux maître du temps, qu’elle doit mourir. Mais avant, elle annonce qu’elle veut rendre ses chaussures à la petite fille qu’elle était. Elle la retrouve, lui raconte des histoires, la petite fille vérifie sans cesse qu’elle est bien là, à l’image des enfants qui ne veulent pas voir partir leurs parents le soir. Ensemble elles se parlent, récitent des poèmes, comptent les moutons, chantent une chanson, se rapprochent pour échapper au froid. Elles cherchent à retenir la nuit, à échapper au temps qui passe et à reculer le moment du départ.
Philippe Dorin, à la fois auteur (entre autres à l’École des Loisirs) et comédien, a écrit ce texte délicat et poétique, qui évoque la fugacité de la vie, l’imaginaire riche et merveilleux de l’enfance et dresse un tableau plein d’émotion grave et douce du lien entre les générations.

Ce texte est magnifié par la mise en scène de Julien Duval et la scénographie d’Olivier Thomas. Des tableaux courts se succèdent, entrecoupés par le noir commandé par la petite fille qui ordonne « Allume » « Éteins ». Le noir est très noir, percé seulement par la lumière des petites maisons de papier, que la petite fille et la vieille dame déplacent, les éloignant ou les rapprochant pour créer des places. L’harmonie et la beauté des couleurs – bleu et rouge des costumes de l’enfant et de l’aïeule, plancher bleu – et surtout la magie des lumières nous introduisent dans ce monde onirique. Le ciel sombre se remplit d’étoiles, la lune brille doucement et la neige se met à tomber, suscitant les soupirs d’émerveillement des jeunes spectateurs. Elle finit par blanchir le sol, tandis qu’apparaît comme venu de nulle part un arbre mort. Boules de neige et image de linceul s’entrechoquent dans l’esprit des spectateurs comme la fête et la mort dans La petite fille aux allumettes, que fredonne la grand-mère sur l’air de « Alouette, gentille alouette ». La musique de Kat May, inspirée par l’univers nordique, apporte sa touche de légèreté et de poésie à ce monde de l’enfance.

Soixante-dix ans séparent les deux actrices et pourtant leur duo est plein de respect mutuel et de tendresse. France Darry est la vieille dame, attentive et complice qui, comme l’enfant, (Juliette Nougaret en alternance avec Camille Ruffié) cherche à retenir le temps, à reculer le moment de la séparation et la mort.
Un spectacle pour enfant à partir de 8 ans mais où l’adulte se plonge comme dans un rêve, émerveillé par la beauté de ces petites maisons de papier où s’élabore une poésie délicate.

Micheline Rousselet

« Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu » – Jusqu’au 1er novembre au Théâtre Paris-Villette – Mercredi et jeudi à 14h30, vendredi et samedi à 19h, dimanche à 15h30. – Théâtre Paris-Villette – 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris – Réservations : 01 40 03 72 23

Tournée : 26 et 27 novembre, L’Empreinte, scène nationale Brive-Tulle, 11 – 14 décembre : Espace culturel Larreko, St Pée sur Nivelle, 16 et 17 décembre, Salle Saint Louis à Saint Palais. D’autres dates sur le site de la Compagnie Syndicat d’Initiative

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