Peter Stein met en scène trois courtes pièces de Tchekhov en confiant à Jacques Weber le rôle principal et en commençant par la pièce la plus sombre. Le chant du cygne dit la panique d’un vieil acteur, ayant fui dans l’ivresse la crainte de se retrouver seul après les applaudissements, et qui se réveille enfermé dans le théâtre, jusqu’au moment où un vieux souffleur, qui la nuit n’a pour abri que le théâtre, lui offre l’écoute qui lui permet de vivre encore. La seconde est Les méfaits du tabac. Sous les aspects de la farce, percent tous les désarrois d’un homme méprisé par sa femme. La troisième est vraiment une farce, Une demande en mariage. Pas un seul mot d’amour n’y est prononcé, la demande dérapant en querelles incessantes.

On commence par une musique d’Offenbach et des salves d’applaudissements puis la nuit s’installe et Jacques Weber apparaît, ombre un peu titubante, bougie à la main. En lui s’incarne ce vieil acteur, paniqué par la vieillesse qui avance et la mort qui vient, touchant dans sa détresse et sa solitude. Seize rappels et personne pour le raccompagner. La présence du souffleur, sorte de clochard céleste, va le réveiller et lui permettre de faire encore retentir les mots de Shakespeare, en retrouvant les accents de ses interprétations inoubliables et la grandeur de l’artiste.

Souffle court, toussant, Jacques Weber est ensuite ce mari que sa femme méprise, le traitant d’épouvantail, obligé à bien des choses et entre autres à faire cette conférence sur les méfaits du tabac. L’acteur fait basculer les spectateurs du rire, face à cet orateur asthmatique et maladroit, à la pitié et à la solidarité face aux cruautés d’un dragon conjugal.

La farce arrive avec Une demande en mariage. Manon Combes, maîtresse femme va se lancer, toute réserve abandonnée, dans une succession de querelles où elle trouve toutes les raisons pour s’opposer, avec une véhémence furieuse, à son prétendant maladif, Loïc Morbihan. Ce dernier a beau geindre sur sa santé, il est prêt à mourir pour garder ce qu’il considère comme son bien. Elle aussi d’ailleurs, hurlant et prête à se battre. S’il finit par s’évanouir, il n’en meurt pas. Son réveil semble entraîner le consentement de la « fiancée », mais ce n’est que pour mieux relancer la bataille. Quant à Jacques Weber, en père de la mariée, d’un calme absolu, il n’arbitre rien du tout. Bouteille et verres à la main pour fêter les accordailles, il prononce juste les petits mots qui vont relancer la bagarre !

Des petites pièces de Tchekhov, c’est déjà du Tchekhov, surtout quand ses mots sont portés par un grand acteur.

Micheline Rousselet

Reprise du 18 décembre au 31 janvier au Théâtre de l’Atelier – Place Charles Dullin, 75018 Paris – Réservations : 01 46 06 49 24 – Nouveaux horaires : Décembre : vendredi et samedi et les 25, 30 et 31 à 19h, dimanche à 17h ; Janvier relâche le 1er puis du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 17h

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