Une coupe sombre appelée aussi coupe d’ensemencement est une opération sylvicole qui consiste à supprimer d’un massif d’arbres l’excédent de branchage qui pourrait contrarier l’accès au sol de la nouvelle semence de l’essence.
Une coupe sombre en littérature et plus précisément au théâtre, consiste à supprimer du texte, ce qui pourrait l’alourdir, gêner la compréhension ou avoir un effet redondant.
C’est souvent une opération à laquelle se livre un metteur en scène sur le texte de l’auteur.
La subjectivité de l’amputation peut aboutir à des différences de points de vue, voire à un conflit entre les deux parties en présence.
«Coupes sombres» qui se donne sur le plateau de la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point met en présence un auteur et la metteuse en scène d’une pièce d’une durée de cinq heures en l’état, qu’elle voudrait amputer d’une phrase qui lui paraît superflue ou mal formulée.
Il s’engage entre les deux protagonistes, à qui s’ajoute un des comédiens de la pièce qui risque de voir son personnage supprimé à cause de coupes sombres, un ping-pong de répliques qui restent dans le domaine de la courtoisie mais peuvent déboucher sur le conflit pur et simple, l’expression d’un désaccord frontal.
«Coupes sombres» permet de donner accès au spectateur à ces instants intimes qui se produisent généralement à huis-clos et Guy Zilberstein a écrit sur le sujet de le confrontation entre un metteur en scène qui défend sa vision de spectacle à venir et un auteur qui défend l’intégralité du texte qu’il a écrit, une vraie comédie.
Et toute la subtilité du texte est de faire passer un discours théorique dans le contexte d’un affrontement spontané entre les deux parties.
La spontanéité et le grinçant des dialogues, le cocasse des situations sont entre les mains de trois comédiens virtuoses : la frêle et déterminée Anne Kessler en « tenue de travail », l’inénarrable Serge Bagdassarina entre rigueur et débordement contrôlé et le très drôle Pierre Hancisse en irrésistible bûcheron pédagogue…
C’est du ciselé, du cousu main, une élégante fantaisie où l’on peut rire simplement.
Mais c’est aussi, en arrière-plan, le traitement d’un thème universel et très actuel, où couper, dissimuler, évacuer ce que l’on ne comprend pas, ce qui dérange ou ce qu’on ne veut pas voir conduit à l’obscurantisme et au populisme.
Une heure de merveilleux théâtre.
Francis Dubois
Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue Franklin Roosevelt 75 008 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21 / www.theatredurondpoint.fr
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu