Maëlle Poésy et Kevin Keiss se sont inspiré.es pour cette création d’une part d’une histoire vraie, celle des Mercury 13, un programme clandestin du début des années 1960 aux USA, qui envisageait d’envoyer des femmes dans l’espace et d’autre part de rencontres avec des dizaines d’astrophysiciennes qui leur ont parlé de leur passion pour le cosmos.

Le début de la pièce est un peu poussif mettant en scène deux chercheuses, l’une Chilienne (interprétée par Dominique Joannon) spécialisée dans la recherche sur les cycles de vie et de mort des étoiles, l’autre (interprétée par Elphège Kongombé Yamalé) née à Bangui et installée en France qui enquête sur le passé de la planète Mars. Heureusement on quitte vite ce terrain avec l’arrivée de trois cosmonautes du programme des Mercury 13 explosant la cloison pour arriver sur la scène. Caroline Arrouas, Liza Lapert et Mathilde-Édith Mennetrier incarnent trois des treize femmes contactées pour le programme Mercury 13. Toutes trois sont des pilotes aguerries, passionnées par le désir de partir dans l’espace en ce début des années 60, en pleine guerre froide et concurrence américano-soviétique dans la course à l’espace. L’une a quarante ans, est la femme d’un sénateur et mère de huit enfants. L’autre Jerry a 30 ans, est passionnée d’aviation et a de nombreuses heures de vol à son actif, la troisième a vingt ans et est championne d’acrobaties aériennes. Elles vont passer avec succès tous les tests physiques et psychologiques, avec des résultats parfois supérieurs à ceux des hommes, mais la NASA exigera des candidats aux vols spatiaux qu’ils soient pilotes de chasse, activité fermée aux femmes. Le programme sera annulé quelques jours avant sa mise en œuvre. Elles se battront, iront assiéger les Ministères, le Pentagone, la NASA, seront reçues au Congrès, mais rien n’y fera. Leur rêve et leurs capacités échouent devant le mur érigé par ceux qui veulent cantonner les femmes dans leur rôle traditionnel, par peur qu’elles ne troublent l’ordre social.

Pour sa mise en scène, Maëlle Poésy met au service du texte tous les arts auxquels s’associe le théâtre aujourd’hui. Les lumières passent de l’orange au bleu, la vidéo nous immerge dans le cosmos ou nous conduit dans l’actualité avec l’image de Gagarine, le discours de Kennedy sur la conquête spatiale et l’intervention du cosmonaute John Glenn renvoyant les femmes à leur place, au foyer ! Deux des cinq comédiennes sont des circassiennes capables de grimper vers les étoiles et de donner l’impression qu’elles évoluent en apesanteur. Quand l’une d’elle descend à l’horizontal un mur, sphère lumineuse à la main, c’est la passion de ces femmes qui s’affiche. Quand elles explosent la cloison à coup de talons aiguilles c’est toute leur révolte que l’on sent, alors qu’elles ont appris peu de jours avant leur départ et après avoir passé avec succès tous les tests, que le programme est annulé. Chacune se battra, l’une faisant le siège des administrations et forçant l’entrée dans les bureaux, la plus âgée avec la tactique des « cocktails party » et une intervention auprès du Congrès, favorisée par le fait qu’elle est femme de Sénateur. Rien n’y fera. Le président Johnson ira jusqu’à dire « si on ouvre la porte aux minorités, après les femmes pourquoi pas les Portoricains et les Noirs ! ». Pendant ce temps en URSS, Valentina Terechkova a été la première femme envoyée dans l’espace. Elle rendra hommage aux femmes du programme Mercury 13. Les deux plus âgées mourront sans avoir réalisé leur rêve, la plus jeune ira dans l’espace à 82 ans, lors d’un programme privé, et dira « je n’ai pas été la première à y aller, mais j’ai été la plus vieille ».

Parler de la recherche scientifique sur un plateau de théâtre est assez rare pour qu’on soit interpellé par ce projet, d’autant plus que la recherche y est montrée comme un objet de désir pour les femmes qui se heurtent encore au plafond de verre érigé par les hommes de pouvoir.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 21 janvier au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, 59 boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis – du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h, le dimanche à 15h30 – Réservations : 01 48 13 70 00 ou reservation@theatregerardphilipe.com – Tournée ensuite

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