Convulsions revisite un épisode de la tragédie de Sénèque, Thyeste . Atrée et Thyeste ont assassiné leur demi-frère, après lui avoir infligé des tortures terrifiantes. La barbarie gagne la relation entre les frères : adultère, vengeance barbare, infanticide, cannibalisme, tout y est. Hakim Bah, qui a reçu pour ce texte le Prix Beaumarchais, prix RFI théâtre, mêle à ce récit mythologique le présent, évoquant un monde où l’on peut gagner une Green Card américaine par tirage au sort et vérifier sa paternité par un test ADN. Pour autant, les actes barbares hantent toujours les guerres et les violences faites aux femmes sont très universelles, la volonté de pouvoir, le désir d’appropriation des biens comme des femmes, le désir de vengeance, toutes ces pulsions dévastatrices sont toujours à l’œuvre. Dans une langue crue et violente, l’auteur mélange les genres, passant de la tragédie au vaudeville, mêlant grand-guignol et théâtre documentaire.
Le metteur en scène Frédéric Fisbach bouscule aussi les codes. Sa mise en scène joue entre l’œil et l’oreille du spectateur. Parfois il voit des personnages sur scène, mais en entend d’autres. Il entend l’action qu’il ne voit pas, les hurlements ou les gémissements accompagnent la violence que l’on ne voit pas. Le texte dialogué est perturbé par la voix de narrateurs qui annoncent « Thyeste dit … Atrée dit », disent les didascalies, font avancer le récit, voire se placent dans l’esprit du protagoniste « le voisin a envie de dire … mais il se ravise … et dit en fin de compte … ». Ce dispositif permet au spectateur de retrouver son souffle dans cet océan de violence.
La parole circule, les acteurs échangent parfois leurs personnages. Ils sont six sur le plateau, trois femmes (Madalina Constantin, Lorry Hardel et Marie Payen) et trois hommes (Ibrahima Bah, Maxence Brod et Nelson-Rafaell Madel) à incarner les personnages. Leurs voix se mêlent, formant un chœur, ou s’individualisent, révélant la fureur ou la faiblesse des protagonistes. Leur silence même devient annonciateur des drames.
Le spectateur plongé dans un monde où meurtres, coups et tortures se succèdent, se surprend parfois à rire avant de se retrouver emporté, dans ce texte très fort, par le torrent de la violence.
Micheline Rousselet
Tous les soirs à 19h30, relâche les 9, 16 et 23 juillet
Théâtre des Halles
Rue du Roi René, 84000 Avignon
Réservations : 04 32 76 24 51
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