Thomas est devenu amnésique. De lui il ne sait plus que son nom, sa taille et qu’il était documentariste sonore. Encouragé par un nommé Gunther qui lui ressemble comme un double, il part à la recherche de Cléo la femme qu’il aimait et qui a disparu sur l’île de Milos où ils se sont aimés. Aidé par l’hôtelier qui l’accueille, par des enregistrements qu’il trouve dans la chambre qu’il avait occupée et par des carnets de notes qu’il y retrouve, il plonge dans son passé ou plutôt il le rejoue en tentant de retrouver Cléo, qui s’est probablement noyée au cours d’une plongée.

Notre mémoire ne retient pas tout des événements de nos vies même les plus importants. La plupart du temps nous imaginons les éléments manquants pour assurer la cohérence de nos souvenirs. Le texte de Bérangère Jannelle nous plonge dans une sorte de thriller mystérieux et un peu oppressant. Comme Orphée à la recherche d’Eurydice, Thomas cherche Cléo dans l’île grecque où elle a disparu, aidé par les indices sonores qu’il a laissés derrière lui. Des doutes l’assaillent, sur leur amour, sur sa disparition. L’hôtelier l’emmène sans hésitation dans la chambre qu ‘il occupait et où tout a été conservé, mais il semble n’avoir plus aucun souvenir de la présence de Cléo. Dans cet hôtel Thomas rencontre une archéologue partie sur les traces d’une statue antique repêchée par les pêcheurs d’un village voisin, occasion d’évoquer tous ces mythes qui tentent d’apprivoiser la mort. Mais la mer alentour est aussi devenue le tombeau de tant de migrants et migrantes noyé.es en tentant de trouver un avenir meilleur. La vie et la mort ne cessent de se côtoyer à Milos. Si Théo est chasseur des sons de la vie, Cléo était avocate à la cour du droit d’asile et cherchait la trace des migrants disparus. L’hôtelier et l’archéologue trinquent ensemble à la vie mais Thomas refuse de quitter le domaine des morts.

La mise en scène de l’autrice nous place dans un univers très cinématographique. Les personnages marchent dans l’eau qui recouvre la scène comme si l’obsession de cette mer qui engloutit les vivants était omniprésente. Sous les plastiques dans la chambre qu’avait occupée Thomas un fouillis de magnétophones, de bandes que l’on entend parfois finir de se dérouler en silence. Les traces du passé sont fugaces, des images de rochers, de mer, des bandes sons inachevées. Un dispositif acoustique (Félix Philippe) et lumineux (Léandre Garcia-Lamolla) très travaillé accompagne la quête obsessionnelle de Thomas. Les quatre interprètes savent créer le mystère et l’émotion. Félix Kysyl est un Thomas fiévreux qui refuse d’accepter la mort de celle qu’il aime, Emmanuelle Lafon est une Cléo saisie vibrante dans ses moments de vie, Leïla Muse et Elios Noël complètent la distribution.

Une belle pièce sur la difficulté à dire adieu, qui réussit à nous entraîner de l’intime à l’Histoire, du passé mythologique à l’actualité.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 10 février à Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, 75020 Paris – du lundi au mercredi à 19h30, jeudi, vendredi et samedi 3 à 20h30, le samedi 10 février à 18h – Réservations : 01 42 55 74 40 ou theatre-ouvert.com

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