Paris 1948. Trois comédiens Pierre, Coco et Guy, artistes de province, ont eu l’opportunité de donner la comédie musicale «Au diable V auvert» dans un théâtre qui vient d’ouvrir à Paris : le théâtre de la Huchette.
C’est pour Pierre et Coco, auxquels s’est joint en dernière minute Guy qui ne connaît pas encore bien son texte, l’occasion de se frotter à un public parisien.
Ils en sont à l’ultime répétition. Mais alors que chacun doit mettre la dernière touche à sa partition, la tension monte en même temps que la jalousie grandissante de Pierre qui découvre, qu’avant de devenir sa compagne, Coco a connu d’autres partenaires dont elle a pu être proche.
Mais au moment où le rideau se lève face à une salle comble, Pierre manque à l’appel et Guy est obligé d’interpréter les deux rôles du mari et de l’amant.
«Comédiens» a la lourde charge de fêter les soixante-dix ans du mythique lieu parisien qu’est le Théâtre de la Huchette.
Et ce spectacle, même s’il est à tous points de vue différent des pièces et des auteurs qui ont contribué à faire de ce minuscule théâtre un haut lieu de la «scène parisienne», lui fait avec ce spectacle musical grandement honneur.
«Comédiens» est inspiré d’un opéra de Ruggero Leoncavallo, « I pagliacci» (Paillasse, en français) qu’il écrivit en 1892 et qui racontait l’histoire vraie d’une troupe de comédiens itinérants dont le directeur, saisi d’une jalousie maladive, confondant son personnage de mari battu de la pièce avec celui qu’il est dans la vraie vie, va jusqu’à assassiner sa femme qu’il soupçonne de le tromper, en pleine représentation.
La force du spectacle de Samuel Sené et de Eric Chantelauze (pour le livret et les chansons), de Raphaël Bancou (pour la musique) est d’associer une modestie bon enfant à une extrême exigence tant par la construction dramatique que par la mise en scène, et la qualité de l’interprétation.
L’ambiance dont le spectacle ne se démentira jamais se met en place dès la première scène d’exposition. Les conditions de la représentation parisienne de «Au diable Vauvert» sont d’autant plus modestes que le décor initialement prévu n’est plus exploitable sur le plateau exigu du théâtre de La Huchette, qu’il a fallu dans la précipitation, faire appel à un comédien de remplacement pour le personnage de Guy, que Pierre livré aux griffes de la jalousie se comporte comme un metteur en scène irascible et parfois incohérent….
Et «Comédiens» sous ses airs de fantaisie, d’opérette légère, est aussi une vraie réflexion sur le quotidien de trois artistes de l’ombre, défendant l’art pluridisciplinaire d’un théâtre musical à la jonction du vaudeville et du jazz de la fin des années 40.
Un spectacle qui parle aussi de la nature humaine, des débordements ou des manquements des sentiments, de l’amour quand la jalousie, la possessivité, donnent lieu à un conflit passionnel latent, de la difficulté à rester rationnel dans certaines circonstances.
Un heure trente de plaisir total, de ce ravissement que produit ce qu’on peut appeler le « Vrai théâtre» celui qui, sans chichis mais avec beaucoup d’exigence, embarque dans le rire, dans l’émotion, dans le drame et dans ce bel enthousiasme que communiquent des comédiens-chanteurs magnifiques. Des gens de très bonne compagnie avec qui on peut souffler allégrement les soixante dix bougies d’anniversaire de La Huchette…
Francis Dubois.
Théâtre de la Huchette 23 rue de la Huchette 75 005 Paris.
Réservations : 01 43 26 38 99 / reservation@theatre-huchette.com
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