Ils se heurtent sur un trottoir, lui dont la femme est en train de mourir d’un cancer, elle dont la petite fille est morte dans un accident de la voiture que le père de l’enfant conduisait. Ils vont se parler pour échapper à la solitude et au désespoir, tenter de s’apprivoiser et peut-être de s’aimer. La femme de Michel a décidé d’en finir cette nuit et lui a demandé de continuer à vivre et à aimer à nouveau. Lydia ne peut pardonner à son mari la mort de sa fille, dont il n’est pourtant pas responsable, et elle ne peut se résigner à l’idée que son amour pour lui était déjà mort.

Théâtre : Clair de femme
Théâtre : Clair de femme

Ces deux-là n’ont plus la naïveté et l’insouciance de la jeunesse. Ce n’est pas un coup de foudre qui les pousse dans les bras l’un de l’autre, mais ils veulent se persuader que « deux désespoirs qui se rencontrent, cela peut bien faire un espoir et cela prouve que l’espoir est capable de tout ». C’est une œuvre d’entraide qui se construit entre deux éclopés de l’amour, l’un frappé par la mort, l’autre par la mort de l’amour, l’un poussé par le désir d’une femme aimante, généreuse qui veut que son mari continue à vivre et à aimer, l’autre désireuse de recommencer à vivre, mais qui hésite à se lancer dans cette aventure. Les corps s’apprivoisent plus vite que les sentiments. La vie et la mort sont sans cesse en embuscade, l’amour peut-il les surpasser ? La rencontre de Michel avec un vieux dresseur de chiens, qui se produit dans un cabaret et s’inquiète du devenir de son caniche quand il mourra, vient en écho à son histoire. L’exaspération de Lydia, face à l’exubérance de façade de sa belle-mère juive russe (très bonne interprétation de Diana Sakalauskaité), révèle qu’elle sait que la volonté du bonheur ne suffit pas à l’assurer.

Alexandra Dadier et Laurent Schteiner ont adapté le beau roman de Romain Gary. Ils ont conservé sa langue et ses mots, qui disent les désespoirs, les révoltes, l’espoir de l’amour, ses phrases si belles qu’on aimerait les réécouter. La mise en scène réalisée par Alexandra Dadier réussit par des jeux de lumière projetés sur un fonds blanc à créer différents espaces : aéroport, café, cabaret, appartement. Des coupures au noir, comme au cinéma séparent les scènes. La musique, les bruits de la vie qui enveloppent les personnages donnent vie à un univers où les émotions deviennent palpables. Faire apparaître aux côtés de Michel, Laura, sa femme généreuse, aimante jusqu’au bout et que lui seul peut voir, est une très bonne idée. Alessandra Puliafico, avec son léger accent italien donne au personnage le lointain de celle déjà partie vers l’au-delà. Guy Hassid introduit une note d’étrangeté mystérieuse avec le personnage du Señor Galba le dresseur de caniche. Isabelle Mérie est une Lydia qui hésite, qui aimerait se lancer dans ce nouvel amour, mais n’est pas sûre d’en accepter les bases. Laurent Schteiner campe un Michel sombre et hésitant. Est-il prêt à se lancer, à commencer une nouvelle vie amoureuse avec Lydia ou ne cherche-t-il qu’à échapper à la solitude en se conformant au désir de sa femme mourante ? Se laisser aller au chagrin et au désespoir ou prendre le risque de vivre et d’aimer, c’est la question que pose Romain Gary avec l’humour désespéré qu’on lui connaît, et les deux acteurs la font leur avec talent.

Micheline Rousselet

Les vendredis et samedis à 19h, les dimanches à 15h

Guichet Montparnasse

15 rue du Maine, 75014 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 27 88 61


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