Entre 2011 et 2013, la situation de la Syrie n’est pas encore l’immense catastrophe humaine et l’imbroglio géopolitique inextricable qu’on constate aujourd’hui. Dans les trois textes de Mohammad Al Attar que Leyla-Claire Rabih a réunis pour un seul spectacle, un groupe de jeunes gens épris de liberté affronte pacifiquement la dictature.
C’est en 2011 que les premières manifestations pour la démocratie s’organisent sporadiquement ici et là en Syrie. Les rassemblements pacifiques sont sévèrement réprimés parce qu’ils représentent une bouffée d’espoir pour le peuple syrien.
Leyla-Claire Rabih suit les événements depuis Paris où elle vit et bientôt éprouve le besoin de concevoir un travail dramatique autour des débuts de cette révolution devenue aujourd’hui orpheline. Très vite, les choses se sont durcies avec le bombardement des villes par le régime syrien, par une répression aveugle, le massacre de son propre peuple dans le but paradoxal de rétablir l’ordre et la paix
Le spectacle donné sur le plateau de la salle Christophe Bourgois de la MC 93 est la première mise en scène concernant la guerre en Syrie hormis, en 2013, une performance qui était un prélude au projet de « Chroniques d’une révolution orpheline ». L’idée d’une trilogie a émergé quand la metteuse en scène a réalisé que les trois textes réunis allaient pouvoir rendre compte du passage d’un soulèvement populaire à une guerre civile. Les textes de Mohammad Al Attar réunis suivent le processus des événements qui se sont produits en Syrie entre 2011 et 2013.
Le choix de travailler sur les trois textes convenait d’un point de vue artistique parce qu’ils représentaient trois formes d’écriture théâtrale. Les textes sont réunis sous le titre de « chroniques» . Son complément «révolution orpheline» vient du fait de la démission de l’occident et des États-Unis qui après avoir soutenu le pays, s’en sont subitement totalement désintéressés et qui ont, par cette subite indifférence, laissé se produire des massacres sous le regard de toutes les caméras du monde.
Sur ce sujet dont on ne peut aujourd’hui mesurer l’étendue du drame et où la communauté internationale a une lourde part de responsabilité, Leyla-Claire Rabih a conçu un spectacle qui repose sur la montée des événements et sur le fait bien connu que lorsqu’on est au centre d’un conflit, et même si chacun y risque sa vie à tout moment, un réflexe de défense et de survie se produit qui rend le quotidien vivable, la qualité des échanges possible, l’humour et la légèreté de vivre praticables
Et même si la complexité de la situation menace les personnages comme Noura lancée dans un travail de documentation et qui s’est engagée dans cette guerre à travers un objet médiatique, ou dans la dernière partie, Farès plongé dans la recherche d’un ami dont il a perdu toute trace, il subsiste à travers la gravité de la démarche une sorte de naïveté nécessaire qui sans rien enlever au drame, allège le propos.
C’est vivant, émouvant, drôle, constamment inventif, chaleureux et le récit, de toute évidence, bénéficie de la complicité entre des comédiens qui semblent avoir un long travail de compagnie derrière eux.
Francis Dubois
MC 93 Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny
Réservations: 01 41 60 72 72 / mc93.com
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu