Auprès de ses copains, Axel prétend avoir vingt-et-un an, alors qu’il en a moins. Il prétend aussi être un garçon, se bande les seins et glisse dans son slip un ersatz de sexe masculin. Il a une mère à laquelle, comme tout adolescent, il s’affronte et qui refuse de voir le trouble de sa fille. Axel a aussi une copine qu’il aime, mais à laquelle il n’a rien osé révéler. Quand la véritable identité de genre d’Axel se révélera, le drame ne pourra qu’éclater laissant derrière lui de la culpabilité, du chagrin et des remords.
Sans interrompre le fil de l’histoire d’Axel, Camille Bernon et Simon Bourgade y ont mêlé des éléments venus du passé, la légende d’Iphis et Iante tirée des Métamorphoses d’Ovide, des vers du poète du XVIIème siècle Isaac de Benserade et des extraits de l’histoire tragique, aux États-Unis en 1993, d’une jeune transgenre Brandon Teena, violée par deux de ses amis, après qu’ils eurent découvert sa véritable identité. Les deux auteurs et metteurs en scène rappellent ainsi qu’être à la lisière du masculin et du féminin continue au fil des temps à être source de violence et de souffrance.
Le décor sur scène rappelle une scène de crime avec tous les lieux emblématiques de l’histoire : une salle de bain, car c’est là que chacun s’approprie son genre en maquillant son visage, en bandant ses seins ou en rasant une barbe inexistante, une carrosserie de voiture car c’est là que le drame se nouera, un salon où les garçons fêtent l’anniversaire d’Axel à grands renforts de bières, de vidéos pornos et de vantardises machistes. Sur la télé du salon défilent des images de dessins animés, Le vilain petit canard ou Pinocchio qui, elles aussi, évoquent des personnages en rébellion contre la place qui leur est attribuée. Ce qui est remarquable dans cette mise en scène c’est la façon dont les trois éléments, l’histoire d’Axel, Ovide et l’histoire de Brandon Teena se mêlent avec fluidité pour parler du trouble dans le genre. L’histoire d’Axel se déroule sur le plateau de façon classique, l’histoire de Iphis et Iante apparaît sur un écran en bande dessinée, une vidéo renvoie à l’histoire de Brandon Teena, mais ce sont la mère d’Axel et ses amis qui portent la parole des protagonistes du fait divers.
Les acteurs surprennent par leur talent à passer du langage d’aujourd’hui aux vers d’Isaac de Benserade, frémissants du trouble amoureux. Camille Bernon incarne Axel cachant sa fragilité et sa souffrance sous un masque de dur. Pauline Bolcatto surprend, passant du rôle de mère qui ne sait pas ce qu’elle doit faire à celui de sœur d’un des copains, sommet de désarroi d’adolescente vulgaire. Baptiste Chabauty et Mathieu Metral incarnent les copains poussés par leurs préjugés et leur bêtise d’adolescents machistes et vantards. Pauline Briand enfin est Léna, l’amie qui n’a rien vu, en veut à Axel de l’avoir trompée et s’en veut de n’avoir pas su l’aider.
Ce spectacle par l’émotion et les discussions qu’il suscite, par son intelligence à convoquer références littéraires, fait divers et une histoire d’aujourd’hui, a de grandes chances de pousser à la réflexion ceux qui regardaient les transgenres d’un œil curieux, voire un brin ironique et c’est bien !
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Théâtre de La Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre, 75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 28 36 36
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu