Béatrice est auxiliaire de puériculture dans la maternité d’un hôpital et y vit un tsunami d’émotions. Une naissance ce n’est pas rien. Il y a des femmes pour qui tout se passe presque tout seul, mais aussi des césariennes qu’il faut pratiquer en urgence. De chambre en chambre elle vit avec ces femmes le bonheur, la tristesse car accoucher c’est donner la vie mais ce peut être aussi donner la mort, les inquiétudes toujours et ce moment où une femme devient la mère de l’enfant qu’elle a mis au monde. Ce flux d’émotions, la sensualité du contact avec la peau des bébés, l’empathie avec ces jeunes mères la renvoient à sa vie d’avant, quand elle était danseuse nue, amoureuse, parcourant les routes avec un groupe de musiciens. Et puis elle parle aussi de la difficulté à exercer son métier à l’hôpital, de la course épuisante d’une tâche à l’autre alors qu’il faudrait plus de temps pour parler avec les jeunes mères et pour « converser » avec les bébés sans être interrompue par un pédiatre à la recherche d’un dossier et pour qui le travail d’une auxiliaire de puériculture a peu d’importance.
Catherine Vrignaud Cohen a adapté le roman de Julie Bonnie qui a travaillé en maternité et a quitté ce travail qui dit-elle finissait par la « hacher en morceaux ». L’histoire de Béatrice mêle l’intime, son expérience en tant que femme, mère, soignante dans une maternité et le social, cette maternité où Béatrice est déchirée entre l’exaltation liée à la vie qu’elle contribue à donner et la frustration liée à la relégation de l’humain au second plan à l’hôpital. La metteuse en scène, aussi photographe et vidéaste, aime accompagner ses mises en scène par un travail auprès des publics concernés. À la Reine Blanche elle présente des photos en relation avec la maternité autour de corps de femmes dans l’eau.
Pas de reconstitution de l’hôpital sur scène. Sur un plateau presque vide, juste une sorte de petit pouf rose et une thermos, la comédienne occupe tout l’espace. Elle enfile une combinaison bleue et commence son road-movie de chambre en chambre. Annonçant le numéro des chambres où elle passe, elle conseille, constate, console. Elle court, danse sur une musique stridente mêlant la vie d’avant et celle de l’hôpital. Elle introduit de l’empathie, de la poésie dans ce monde qu’elle ne veut pas réduire à des gestes techniques. Ses émotions la submergent, mais elle doit rester calme et professionnelle. Mêlant poésie, empathie, énergie et souffrance, Anne Le Guernec donne vie à ces témoignages. Elle est formidable.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 15 janvier au Théâtre de La Reine Blanche, 2 bis Passage Ruelle, 75018 Paris – Mardi, jeudi et samedi à 21h – Réservations : 01 40 05 06 96
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