Chacun peut très bien imaginer que le vent se soit engouffré dans cette création au Cloître des Carmes lors des premières représentations au Festival d’Avignon l’été dernier, en particulier pour accompagner sur une table les oscillations vertigineuses de l’actrice (Noémie Rimbert) qui est visible sur la photo emblématique de ce spectacle. A la limite constante entre l’équilibre et la chute, à chaque instant protégée en quelque sorte de celle-ci par 2 ou 3 artistes[1] formant un collectif soudé dans sa mobilité autour de cette table-estrade, la situation et les évolutions de ce personnage sont caractéristiques de plusieurs séquences où le ‘’contre-le-vent’ peut prendre de multiples significations en laissant les spectateurs libres de diverses interprétations : du vent imaginaire qui peut déstabiliser et avec lequel jouent les comédiens -et parfois quelques accessoires, comme des ballons de couleurs – dans des figures très chorégraphiques, du vent qui souffle dans les mémoires en chassant les souvenirs dans de brèves correspondances avec des absents, du vent contre les conventions classiques du théâtre…

Il est possible d’être dérouté par l’absence de continuité narrative explicite entre les différentes séquences, ni même parfois à l’intérieur de certaines d’entre elles, y compris lorsque se font entendre quelques propos qui, mis à part de brèves lectures, ne semblent pas être destinés à une compréhension, un peu comme si, attablés dans un restaurant, on percevait par intermittence des mots laissant place à l’imagination des échanges entre des personnes inconnues d’une table voisine…

Quelques clés sont données par Nathalie Béasse, qui assure à la fois la conception, mise en scène et scénographie, déclarant avoir, avec les 7 interprètes « beaucoup travaillé sur les jeux d’enfants, sur l’innocence de la ronde, mais aussi sur la manière dont ces jeux peuvent devenir cruels et suggérer quelque chose de plus dur, de plus violent. La ronde, la chute, la répétition, sont des figures qui m’occupent. »

Seront sans doute moins déroutés celles et ceux qui ont suivi la dizaine de créations précédentes de Nathalie Béasse, toutes accueillies et parfois co-produites par le Théâtre de la Bastille qui encourage les expérimentations et l’a aussi sollicitée pour des initiatives originales. La compagnie créée par Nathalie Béasse en 1999 joue simultanément un rôle important depuis 2011 pour stimuler la création contemporaine, l’émergence de jeunes auteurs… dans le cadre d’une ‘’Pépinière artistique’’ à Angers, en coopération avec 2 autres compagnies[2], dans une démarche aux limites du théâtre, de la danse et de l’ensemble des arts visuels, incluant des dimensions poétiques.

© Jérôme Blin

C’est ainsi que, dans ‘’Ceux-qui-vont-contre-le-vent’’, différentes formes d’expression artistiques s’entremêlent de manière très réussie par les 7 interprètes[3] assurant en permanence la continuité et cohérence du spectacle en étant tous présents sur scène durant 1h30. Se succèdent sans interruption des compositions spécifiques sur des rythmes différents, un peu comme des tableaux animés avec des ambiances et occupations de l’espace quasi picturales… où se jouent des performances artistiques interrogeant nos repères scéniques -et autres-, ainsi que, par le jeu des acteurs, les tensions aux limites des ruptures entre stabilité et déséquilibre, comme entre individualités et solidarités…
Philippe Laville

Au Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
(M° Bastille)
jusqu’au 18 février, chaque soir à 20h
Réservations : 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com

En tournée ensuite :
> 2-3 mars à Lorient (au CDN)
> 16-19 mars à Strasbourg (Le Maillon Scène Européenne)
> 23-30 mars à Villeneuve d’Ascq (La Rose des vents)
après 2 reprises de spectacles antérieurs en Anjou, à Segré (Scène Le Cargo) avec ‘’Tout semblait immobile’’ et ‘’Aux éclats…’’ fin février.
Détails sur www.cienathaliebeasse.net


[1] Mounira Barbouch, Estelle Delcambre et Karim Fatihi

[2] Voir P.A.D. sur www.cienathaliebeasse.net/fr/pad#1

[3] Aux quatre déjà cités, s’ajoutent Clément Goupille, Stéphane Imbert et Camille Trophème.

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