Geneviève de Kermabon dans Céleste s’inspire de sa propre vie de circassienne qu’elle raconte en plusieurs tableaux de son enfance à son ultime tour de piste. Elle est remarquablement accompagnée par Joe Sheridan, acteur britannique et Simon Martin, jeune acrobate. Elle nous entraîne dans le kaléidoscope de ses souvenirs tout à la fois fantasmés et réalistes. Elle nous fait partager sa nostalgie d’un cirque aujourd’hui disparu sans en cacher la dureté, les risques démesurés et la violence.

            Dans un décor de cirque, piste centrale avec rideau rouge et lumières, s’animent des images de lanterne magique, des ombres chinoises, des marionnettes, des masques, de remarquables animaux mécaniques (une autruche en plumes ébouriffées, une hyène inquiétante, une séduisante girafe) et le tableau d’un clown qui chante la partition lyrique du spectacle à travers la belle voix de Patrick Vilet. Tous ces éléments font resurgir dans nos regards d’enfants mais aussi d’adultes le monde féérique et magique du cirque sans éluder le questionnement sur la place des animaux même si ceux-ci sont également pour Céleste source de réconfort et de bonheur. La scène du bestiaire est remarquable.

            Son double, marionnette qu’elle manipule avec beaucoup de dextérité et qui la représente à différents âges de sa vie, nous projette aussi dans un monde impitoyable. Elle est l’enfant moquée pour ses oreilles décollées. Elle doit obéir à son oncle, qui lui apprend le métier en la dressant comme il dresse les animaux pour devenir la meilleure acrobate, aussi célèbre que Lilly Yokoï, « la Princesse à la bicyclette d’or ». Cette marionnette manipulée et désarticulée témoigne de la souffrance de ce métier et nous fait penser aux poupées de l’artiste Bellmer. Elle est la jeune femme qui ose enfin s’opposer à son oncle et revendiquer sa volonté de devenir clown, à contre-courant de la pensée machiste de cet univers. Elle deviendra d’ailleurs un clown célèbre et la patronne du cirque. Elle est enfin la vieille femme qui, malgré son corps déformé, ne finira pas à l’usine comme la célèbre Lilly Yokoï mais mourra dans une dernière acrobatie fantasmée.

            La poésie et le cinéma sont également présents dans ce spectacle. Geneviève de Kermabon rend hommage à Fellini dont elle a adapté La Strada en le faisant apparaître sur scène. Elle nous fait vivre son premier émoi amoureux avec le jeune acrobate en démultipliant ses expressions grâce à l’utilisation de masques qu’elle met en mouvement avec ses mains et ses pieds dans une gestuelle corporelle impressionnante. Un autre moment de grande poésie est son histoire d’amour avec un camionneur provocateur de fauves. Tirant, comme une magicienne, de la manche de son manteau, des étoffes dorées, elle lui redonne vie en l’entraînant dans une danse sensuelle.

            Rien n’est manichéen. Ce spectacle nous émeut, suscite nostalgie, rêve, réflexion et rires. N’est-ce pas sinon la définition du moins le rôle du cirque ?   

Frédérique Moujart

Jusqu’au 19 décembre- Théâtre du Soleil, Cartoucherie. 2 Rte du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris – Réservation : 06 16 07 06 93 – du jeudi au samedi à 20h et le dimanche à 16h.


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