Alice débarque en pleine nuit chez Hugo, un an après leur rupture. Elle est comédienne, il est musicien de jazz. Une conversation s’installe. Ils parlent de leurs projets et tournent autour de la question centrale, pourquoi est-elle partie brusquement, pourquoi leur amour s’est-il terminé ainsi. Elle est passionnée et attendait un engagement total que lui, attaché à sa liberté et épicurien dans l’âme, n’a pas pu lui garantir. Il y a désormais quelqu’un dans sa vie mais ce n’est pas la passion comme avec Hugo. Pourtant ils s’aiment et se désirent encore. Un an après c’est Hugo qui sonne chez Alice et le jeu s’inverse. Le duel, repart avec son lot de séduction, d’espoirs et de frustrations.

Le texte ciselé de Carlotta Clerici explore avec finesse ce grand classique « jamais avec toi, mais jamais sans toi non plus », la force, le mystère, la complexité, les contradictions du sentiment amoureux et cette difficulté à être au même moment de la passion. L’amour doit-il se contenter de l’intensité du moment sans penser à la construction d’un avenir, l’intensité de la passion permet-elle d’éviter de penser que l’amour fait mal ? Peut-on s’engager corps et âme au risque de souffrir, qu’est-on prêt à sacrifier par amour et un amour passionné a-t-il une fin ? Il reste aux deux amants des traces : les boucles d’oreilles qu’elle a oubliées – mais était-ce vraiment un oubli – et qu’elle retrouve dans la boîte des objets oubliés par les amantes, qu’il lui met en main avec un peu de cruauté, l’odeur du café qu’il lui a appris à faire et qui le rappelle à elle tous les matins, la musique qu’il a composée pour elle.

Le texte sonne juste et vrai tout comme la mise en scène de l’autrice. La musique de jazz d’Aldo Gilbert apporte la note mélancolique de ces retrouvailles toujours ratées entre deux amants que sépare leur façon de voir l’amour et la vie. Deux décors, le premier bohème chez lui, avec son canapé pour deux qui était plus petit dans le souvenir d’Alice et le piano, où il jouera quelques notes du morceau qu’il avait composé quand ils étaient ensemble, le second chez elle, plus luxueux avec une grande photo de nu féminin qui semble sceller la fin de leur amour. Mais est-ce si sûr, il reste tant de choses de leur amour.

Caroline Devismes et Thomas Le Douarec, qui avait tenu l’affiche longtemps avec Le portrait de Dorian Grey, incarnent magnifiquement les deux amants. Ils se tournent autour, se jaugent, s’approchent, s’éloignent par orgueil, par peur de souffrir encore. Leurs mots, leurs gestes, leurs regards révèlent leur désir, leurs craintes, leur complicité. On se dit que pour un peu, ils pourraient encore repartir pour un tour. Ils sont touchants, séduisants et c’est bouleversant.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 8 février au Studio Hébertot, 78 bis Bd des Batignolles, 75017 Paris – du jeudi au samedi à 19h, le dimanche à 17h – Réservations : 01 42 93 13 04 ou www.studiohebertot.com

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