La jeune performeuse montreuillaise d’origine martiniquaise, Rebecca Chaillon, se lance dans une pièce performance qui rappelle les happenings des années 60 et 70. Inversant le slogan publicitaire bien connu où un homme blanc vante du café, elle parle de ce que c’est qu’être une femme noire, elle dévoile crûment les stéréotypes liés à la couleur de peau, à la sexualité et les mécanismes de la domination.

Dans un dispositif bifrontal, la salle est divisée en deux : d’un côté les gradins habituels, de l’autre des divans. A l’entrée une hôtesse envoie, si elles sont d’accord, les femmes noires et/ou transgenres vers les divans où on leur servira des boissons, tandis que les autres spectateurs sont dirigés vers les gradins. Inverser ainsi les rapports de domination habituels stimule la réflexion du spectateur et l’intéresse. La pièce commence ensuite par une très longue séance de lavage du sol du plateau. Rebecca Chaillon, charlotte sur la tête lave le sol agenouillée, passe et repasse sa serpillière. Elle la troque contre sa blouse puis son pantalon, puis son tee-shirt. Une fois que vêtements et sous-vêtements y sont passés, elle utilise son corps nu qu’elle frotte avec les produits de nettoyage. Au bout d’une heure de cette opération, dans le silence, le spectateur commence à se dire qu’il a compris ! Ensuite dans un beau moment de sororité sept autres performeuses viendront tresser ses cheveux avec des rubans formant des tresses de plusieurs mètres de long et Rebecca Chaillon lira des petites annonces matrimoniales d’hommes blancs cherchant « leur perle noire ».

Pendant deux heures quarante le spectacle va osciller ainsi entre quelques images fortes et des moments où la lassitude ou l’agacement gagnent. Parmi les images fortes on retiendra les nounous, serrant dans leurs bras les bébés qui leur sont confiés, avant que la bien-pensance des bobos qui les leur confient créent une telle surpopulation de bébés qu’elles sont contraintes de les aligner en brochettes. A côté de ces images fortes, on a des moments où la longueur le dispute à la provocation et à une vulgarité assumée. La scène du banquet avec ses plaisanteries du genre « cacaviar » ou cacameroun » renvoie au collège ! Parfois une trouvaille émaille la pièce comme lorsque les performeuses partent chercher au fond de la salle quelques sacs enlevés aux spectateurs un peu inquiets. Image de la colonisation, on leur promet que si tout va bien ils les récupéreront !

En dépit de quelques moments artistiques ou provocateurs réussis – les tresses, le jeu entre l’équipe cantine et l’équipe ménage, la tendresse des performeuses autour d’un arbre de vie à la fin – le spectacle pêche par un peu trop de tout, de longueur, de provocation, de vulgarité assumée et de grotesque. C’est dommage !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 17 décembre au Théâtre de l’Odéon-Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, 75017 Paris – du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche les 3, 7 et 14 décembre – Réservations : 01 44 85 40 40 ou www.theatre-odeon.eu

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu