Encore Carmen diront certains. Mais là c’est Carmen accompagné d’un point, pas le point final mais un point provocateur, comme le personnage de Carmen et, à sa création, l’opéra de Bizet. Avec Carmen. le Suisse François Gremaud poursuit sa trilogie sur les héroïnes tragiques célèbres de notre répertoire, commencée avec Phèdre ! suivie par Giselle. À chaque fois, dans cet exercice de réduction du spectacle à un interprète seul, c’est une rencontre qui est au cœur du projet, avec le comédien Romain Daroles pour Phèdre !, avec la danseuses Samantha van Wissen pour Giselle, avec Rosemary Standley, chanteuse du groupe Moriarty, pour Carmen.

Le spectacle commence comme une sorte de conférence où Rosemary Standley nous parle de la naissance de l’opéra comique et de celle de Carmen avec son lot d’anecdotes pleines d’humour, sur par exemple l’écriture du tube « L’amour est enfant de Bohème ». Bizet est allé chercher une habanera, car l’air qu’il avait écrit ne plaisait pas à la cantatrice, et y a collé des paroles de son cru. Comme le dit avec humour François Gremaud, pour cet air, l’un des plus célèbres de cet opéra, la musique n’est pas totalement de Bizet et les paroles ne sont pas du librettiste ! Avant de devenir un succès planétaire Carmen fut boudée par le public qu’elle choqua et Bizet mourut trois mois après cette première ratée. Après cette introduction, place à Carmen !

Se déplaçant sur le plateau, Rosemary Standley nous décrit le décor de chaque scène et fait défiler l’histoire de la bohémienne rebelle, séductrice attachée à sa liberté qu’est Carmen. Le drame est là mais l’auteur y introduit aussi une certaine distance et de l’humour. Après tout cette histoire tout le monde la connaît. Ainsi Michaela, avec ses nattes, apparaît comme une oie blanche et Don José comme un benêt incapable de couper le cordon ombilical avec sa mère. L’auteur s’amuse même à modifier quelques paroles, la chanteuse prend à l’occasion l’accent du Midi ou se permet quelques remarques rapides, sur la corrida par exemple.

Sur le principe du seul en scène, la chanteuse s’empare aussi bien des grands airs de Carmen que de ceux de Don José ou du chœur. Elle est accompagnée par cinq musiciennes, à l’accordéon, la harpe, la flûte, le violon et le saxophone, sans oublier les castagnettes que la violoniste imite avec son violon ! Rosemary Standley a l’allure libre et conquérante de l’héroïne qu’elle incarne. Dotée d’une solide formation en chant lyrique, elle offre sa voix superbe aux grands airs de cet opéra, qu’elle n’hésite pas à faire reprendre par le public. Quel beau succès posthume pour Bizet, puisque dans la salle jeunes et moins jeunes n’ignorent rien des paroles.

Un spectacle intelligent et drôle, une musique très réussie (quoiqu’en aient pensé les premiers spectateurs en 1875) et une chanteuse à la voix superbe.

Micheline Rousselet

Spectacle vu au Théâtre 71 de Malakoff – du 18 au 22 octobre au Théâtre de la Ville/les Abbesses, les 16 et 17 novembre à l’Espace 1789 de Saint Ouen, le 28 novembre au Théâtre de Grasse, le 29 novembre au Théâtre d’Arles, le 30 novembre à La Garance à Cavaillon, du 19 au 23 décembre au Théâtre des Célestins à Lyon et dans de nombreux autres lieux en 2024

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