Cap au pire  est l’un des derniers textes écrits par Beckett, un texte écrit en anglais et qu’il ne s’était pas résigné à traduire comme s’il avait hésité à se relancer dans ce dédale, un texte destiné à être lu et non dit. C’est un texte étrange qui joue sur la répétition, la négation, comme si l’écrivain hésitait sur les mots, raturait, réessayait, revenait en arrière, avançait, regrettait, reprenait. Le spectateur se perd, se laisse embarquer, suit Beckett dans cette bataille avec les mots. Toujours ce sera mal dit, alors ne reste qu’à trouver le pire mot pour pire encore. « Dire désormais pour soi, mal dire, rater, essayer encore, rater mieux, rater plus mal encore jusqu’à être dégoutté pour de bon ». Des obsessions reviennent dans un flot continu d’oxymores, de propositions aussitôt énoncées aussitôt niées, la vie, la mort, la vieillesse en filigrane. Pénombre et disparition hantent le texte : « je voudrais que tout disparaisse, disparaisse la pénombre, disparaisse le vide, disparaisse le vain vouloir, que le vain vouloir disparaisse ».

Théâtre : Cap au pire
Théâtre : Cap au pire

Jacques Osinski souhaitait travailler à nouveau avec Denis Lavant et celui-ci lui a semblé le meilleur interprète pour ce texte étrange, déroutant, pour lequel tous deux avaient eu un grand coup de cœur. Denis Lavant apparaît comme un des seuls capables de se lancer dans ce texte qui peut paraître inapprenable. Dans sa mise en scène Jacques Osinski est parti de l’idée de la page blanche et a placé son interprète dans un carré lumineux blanc qui se détache sur le sol. Restait la question du corps de l’acteur. Le choix de l’immobilité s’est imposé, d’abord parce que le texte revient plusieurs fois sur « tête inclinée sur mains atrophiées », ensuite parce que « en ne bougeant pas, Denis est obligé de puiser à l’intérieur de lui-même » (Jacques Osinski) et enfin parce que le spectateur est poussé à se laisser emporter par la parole de l’acteur, par le rythme de sa voix, ses silences, sa respiration. Tête légèrement inclinée yeux clos ou mi-clos, bras ballants, mains pendantes, Denis Lavant nous emporte dans un tourbillon poétique, étrange et hypnotique pourvu que l’on accepte de lâcher prise.

Micheline Rousselet

Mardi à 19h, mercredi, vendredi, samedi à 20h, dimanche à 16h

Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7 rue Boudreau, 75009 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 53 05 19 19


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