Maria Casarès et Camus se sont rencontrés le 6 août 1944. Albert Camus a trente ans Maria vingt et un, ils tombent amoureux, mais Camus est marié. Ils se séparent, se retrouvent en 1948 et à partir de cette date, dépassant les conventions, ils laisseront leur passion s’épanouir souvent à distance et ne cesseront de s’écrire. Maria voyage avec la troupe du TNP, part en Russie, en Amérique Latine, à Rome pour jouer, Camus est jaloux mais ne peut se décider à quitter sa femme, trop fragile selon lui, ni résister à l’attrait de jeunes mannequins. Elle pense parfois le quitter mais n’en a pas le courage. Lui aussi se déplace beaucoup, va en Algérie, reçoit le Prix Nobel. Dès qu’ils sont séparés, ils s’écrivent. Ils s’écriront un très grand nombre de lettres jusqu’à la mort de Camus dans un accident de voiture en 1959. Ils y disent leur amour et parlent de tout, de son obsession à lui pour l’Algérie mais aussi du théâtre où elle joue et pour lequel il écrit.
Elizabeth Chailloux, ancienne codirectrice du Théâtre des Quartiers d’Ivry, devenu CDN du Val de Marne en 2016, met en scène cette correspondance pleine de fièvre et de sensualité entre la tragédienne amoureuse du théâtre, et le prix Nobel empli de doutes. La bande-son nous immerge dans l’époque : messages de la Résistance sur Radio Londres et sirènes de la guerre, informations sur les premiers attentats à Alger. Elle se fait écho de leurs voix avec un extrait des Enfants du paradis ou la voix de Camus lors de sa réception du Nobel de littérature, elle nous renvoie aussi à la vie artistique des deux amants avec l’indicatif de trompettes du festival d’Avignon ou la chanson Il était un Prince en Avignon pour la mort du jeune comédien Gérard Philipe.
Les deux acteurs, qui ne nous ont pas vraiment convaincus, utilisent l’espace de la salle avec sa petite scène et les marches qui y mènent au gré des séparations et des retrouvailles des deux amants. Teresa Ovidio, accent portugais très prononcé alors que Maria Casarès n’avait aucun accent, incarne avec flamme la tragédienne en partance, imperméable sur le dos et valise à la main, ou en élégante robe noire se blottissant ou dansant avec Camus, quand ils se retrouvent. Jean-Marie Galey affiche un tempérament plus inquiet, plus désabusé.
Une correspondance amoureuse où les lettres de la tragédienne n’ont rien à envier à celle du grand écrivain.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 29 janvier au Théâtre à la Piccola Scala, 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris – vendredi et samedi à 19h30, dimanche à 14h30, relâche le 20 janvier – Réservations : 01 40 03 44 30 ou www.lascala-paris.com
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