Magda Goebbels constitua pour les nazis l’image de la femme allemande idéale, avec sa beauté blonde et ses six enfants. Une femme si attachée à l’idéologie nazie et au Führer qu’elle fut capable de le suivre avec son mari, Ministre de l’éducation et de la propagande, dans son dernier refuge, le bunker. Alors qu’elle avait eu plusieurs occasions de les exfiltrer, elle y emmena ses six enfants et les tua avant d’y mourir avec son mari. « Le monde qui va venir après le Führer et le national-socialisme ne vaut plus qu’on y vive » avait-elle écrit.

Christian Siméon a imaginé la correspondance de Magda Goebbels avec sa mère, sa belle-sœur et ses amis pour en tracer le portrait. On sait beaucoup de choses de la vie de cette femme, son amour de jeunesse pour un jeune sioniste qui tenta de la convaincre de partir en Palestine, son premier mariage avec un riche industriel de vingt ans son aîné avec qui elle eut un fils, son divorce au bout de huit ans de mariage qui la laissa très riche, son adhésion au NSDAP, le parti nazi, un peu pour se désennuyer, son admiration pour les talents de tribun de Joseph Goebbels. Elle accepta de l’épouser, se rapprochant ainsi d’Hitler qui en fit l’image de l’aryenne parfaite, représentant l’Allemagne à ses côtés comme une sorte de « première dame ». On sait aussi qu’elle était belle, séduisante, intelligente et très ambitieuse et qu’elle devint si fanatique du national-socialisme et du Führer qu’elle le suivit jusqu’à sacrifier ses propres enfants. Dans les traits de sa personnalité que l’auteur choisit de faire ressortir dans ces lettres fictives on entend bien qu’elle savait pour l’extermination des Juifs, qu’elle avait conscience d’être un trophée pour son mari comme pour Hitler, qu’elle en avait assez d’être « la mère » du Reich avec ses grossesses successives mais que cela ne l’empêcha pas de rester une national-socialiste fanatique. Si on voit bien que Joseph Goebbels la trompait et qu’elle avait pensé à divorcer, ce dont les avait fermement dissuadés Hitler, on ne voit pas assez la manipulatrice ambitieuse et narcissique qu’elle fut aussi.

La mise en scène de Johanna Boyé place les acteurs devant un pupitre lettre à la main ou à un bureau, car Joseph Goebbels a tenu un journal pendant de nombreuses années. Avec l’entrée dans le bunker, les lumières se font plus rares, parfois vacillantes. Chaque lettre est annoncée par sa date, « x années puis x jours avant l’entrée des Russes dans le bunker » car c’est là que l’auteur veut nous mener.

Stefan Druet Toukaïeff incarne un Joseph Goebbels, monstre froid porté par son ambition, admirant la beauté de sa femme, s’en servant pour monter dans l’estime d’Hitler, mais veule quand il lui renvoie les décisions à prendre sur le sort des enfants après le suicide d’Hitler et avant l’entrée des Russes dans le bunker. Julie Depardieu, sobre, en robe noire élégante ou petite cape de fourrure sur les épaules, incarne cette femme, dont le texte ne permet pas assez de saisir l’intelligence dont parlent les livres. De l’aveuglement de la jeunesse, on la voit devenir cette ambitieuse avide d’ascension sociale, cette femme déçue par un mari qui la trompe et qu’elle méprise, cette femme qui ne supporte plus d’être réduite à l’image de mère, cette femme enfin qui jalouse Eva Braun, « cette garce » qu’a épousée Hitler à la veille de son suicide, mais cette femme qui suivra le Führer jusqu’au bout avec un fanatisme mortifère.

Micheline Rousselet

À partir du 19 octobre au Théâtre Tristan Bernard, 64 rue du Rocher, 75008 Paris – Jeudi 19h et vendredi 21h – Réservations:01 45 22 08 40 ou theatretristanbernard.fr

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