Il y a dans le Britannicus de Racine tous les éléments de la tragédie : un fils (Néron), avide de pouvoir, tue sa mère (Agrippine), avec qui il a des rapports incestueux, et son frère (Britannicus) dont il a précédemment enlevé la fiancée (Junie). Fidèle à son style la Compagnie Les Épis Noirs s’empare de façon iconoclaste, irrévérencieuse et burlesque de ce grand classique de notre patrimoine littéraire. A la faveur de ce texte et pour révéler les monstres qui peuvent dormir en nous, ils vont les démonter en en faisant des clowns, monstrueux bien sûr.

Sur le mode du cirque, une sorte de Monsieur Loyal (Pierre Lericq) vêtu de cuir, fouet en main, n’hésite pas à maltraiter ses comédiens censés jouer Britannicus, leur ordonnant tout et n’importe quoi comme« faîtes tomber la neige » et se mue régulièrement en chauffeur de salle, faisant crier ou applaudir le public avant de lui intimer « silence ! ». Britannicus (Jules Fabre), fils aîné de l’Empereur Claude et destiné au trône se moque du pouvoir et ne pense qu’à l’amour, celui de Junie. Tel un ado d’aujourd’hui, mais vêtu d’une toge, il est polyglotte et passe du français à l’anglais de cuisine. Agrippine (Marie Réache), lunettes géantes et extravagantes, un gant rouge et un vert, dentelles et plumes à gogo, monstre assoiffé de pouvoir et de sexe n’est pas à un assassinat près pour assurer le règne de son fils Néron. Elle commence par quelques champignons servis à l’Empereur Claude. Tchavdar, costume constellé de paillettes, sexe coqué, maquillage méphistophélique incarne un Néron qui semble commencer à en avoir assez de culbuter maman mais veut assouvir son désir, coucher avec Junie et devenir empereur. Reste le sommet d’innocence, Junie (Juliette de Ribaucourt) avec son tutu blanc et ses ailes d’ange, tentant de s’exprimer tout en étant bâillonnée puisque prisonnière de Néron et Albin (Gilles Nicolas) dans le rôle du serviteur préposé à la lecture des didascalies … mais pas que.

Tout ce petit monde avec son maquillage de clown, danse, chante, joue de la musique sur un rythme rock, accordéon, guitare, percussions, synthé … et fait avancer l’histoire. Le texte ne recule devant aucun jeu de mots ou calembour dignes de l’almanach Vermot « je t’avais dit que ça complote …de fruits » « vous êtes amère ma mère », « si vous étiez un homme vous seriez Agrippin (on entend un grille-pain) ». Au milieu de ce texte provocateur on glisse de l’argot des quartiers « ton fils il a pécho la meuf à Britannicus » à un alexandrin égaré, quand ce ne sont pas les récriminations des acteurs se plaignant de leur cachet ou de promesses non tenues.

On a un peu perdu Racine, mais dans le fond trop de tragique ne confine-t-il pas au burlesque, et on a là un spectacle rock, complètement déjanté où on s’amuse beaucoup.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 9 février au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 18h – Réservations:www.lucernaire.fr ou 01 45 44 57 34

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