Après s’être intéressés à La Mouette de Tchekhov (Treplev variation) Laureline Le Bris-Cep et Jean-Baptiste et Gabriel Tur ( Collectif Le Grand Cerf Bleu) ont commencé à s’intéresser aux grandes questions actuelles. Après Jusqu’ici tout va bien et Expérience Sherwood (inspiré de la légende de Robin des Bois) qu’ils avaient écrits, ils se sont emparés d’un texte du jeune auteur catalan Joan Yago. S’inspirant de personnes réelles, celui-ci donne corps à des femmes aux convictions radicales et ambivalentes qui nous parlent de la recherche de la perfection esthétique, du port d’armes aux États-Unis, du mariage homosexuel, d’un projet transhumaniste, de transidentité et d’addiction aux médecines parallèles.
Nous sommes sur un plateau de télévision où un présentateur (Jean-Baptiste Tur) interviewe ces femmes. On les écoute parler de leurs choix, en rupture avec les normes sociales classiques. On est hors de tout jugement moral, à l’écoute de la différence des autres. Mais en même temps la mise en scène éclaire cette fabrique du faux qu’est la télévision ou que sont les réseaux sociaux. On voit sur les côtés ou au fond du plateau les comédiens ( Anna Bouguereau, Laureline Le Bris-Cep, Juliette Prier, Étienne Jaumet) se démaquiller, se changer pour passer d’une femme à l’autre. La musique en live (Étienne Jaumet) assure les transitions entre les entretiens ou les accompagne discrètement. Des vidéos complètent parfois, affichant des statistiques par exemple.
Monstres contemporains ces femmes obsédées par leur image, par un projet transhumaniste, par le port d’armes ? Peut-être mais c’est plus complexe que cela. Ainsi la représentante du conservatisme libertaire américaine traite Obama de dictateur africain quand il envisage de réglementer le port d’armes, défend armes à la main le fermier poursuivi pour refus de payer ses impôts, mais a aussi voté en faveur du mariage homosexuel.
A l’heure où tout le monde a la possibilité d’exposer son identité et son exception, on peut se demander à quel moment on est encore dans le réel et à quel moment on est dans une fabrique du réel par les media. Un spectacle qui pose bien la question.
Micheline Rousselet
Vu au Cent Quatre dans le cadre du festival Les Singulier.es – Tournée à suivre
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