Au 41 rue de l’Arbre Sec à Paris, deux sœurs se retrouvent après le décès de leur mère. L’une, photographe en devenir, s’est toujours sentie la moins aimée et s’est occupée de sa mère jusqu’à son décès. L’autre chanteuse lyrique, sûre de son talent est un sommet d’égocentrisme. À l’étage du dessous un couple plus très sûr de l’être. Le mari, Pierre, est employé des Pompes Funèbres, sa femme est juge pour enfants. Dans le local à poubelles s’est réfugié un migrant afghan. Cette rencontre et divers événements vont changer la vie des habitants de l’immeuble.
La pièce de Damien Roussineau est le fruit du travail collectif de la Compagnie Abraxas. Observer la diversité des comportements humains face aux différences de culture, voir comment se construit le rapport à l’autre quand on n’a pas la même langue, comment on se cogne, on se blesse et comment on « fait avec », c’est un beau projet. Une multitude de questions surgissent autour des petits et grands événements de la vie, la mort, l’amour, les relations de voisinage, l’héritage, la justice, la méfiance vis-à-vis des étrangers par exemple.
Avec un décor minimal cette aventure nous entraîne de Paris à l’Afghanistan, du Liban à la Nièvre en passant par la Grèce et la Libye. Les sons (le bruit de la mer, les nuisances de voisinage, l’écho des bombardements) d’une part et les éclairages d’autre part (nuit et vagues sur la mer, lampes des sauveteurs à la recherche des corps des noyés, forêt sombre où la police traque les fugitifs, lumière solaire de Baalbeck) assurent avec fluidité le passage d’un lieu à un autre. La musique de Yaron Pe’er accompagne les étapes du parcours de Zabi l’Afghan. Un surtitrage sur un écran noir situe certaines scènes. Dès le début s’y affiche d’abord en farsi puis en grec, en italien et enfin en français « Quelque part en Méditerranée » tandis que l’on voit les 5 acteurs assis comme ballottés par les vagues. La magie du théâtre opère.
Pour que le public partage cette aventure il fallait des acteurs convaincants. Les cinq acteurs de la compagnie Abraxas sont au rendez-vous. Damien Roussineau est Zabi, l’Afghan, effrayé qu’on l’ait découvert, surpris qu’on le suspecte, passant de la soumission aux événements à l’enthousiasme quand l’espoir s’ouvre devant lui. Sarah Bensoussan incarne la femme de Pierre, juge pour enfants dévorée par son métier. Alexis Perret est Pierre, l’employé des Pompes Funèbres, maladroit (il faut le voir tentant de maîtriser son téléphone portable au milieu d’une cérémonie) et bourré d’empathie. Flore Gandiol est Frédérique, la photographe en devenir si peu sûre d’elle mais si curieuse des autres qu’elle va peu à peu s’affirmer. Avec son ciré rouge et ses lunettes noires Chloé Donn incarne avec panache Salomé, cette cantatrice égocentrique pleine de préjugés mais qui s’avérera plus complexe que prévu.
Une tragi-comédie imprégnée de l’humanisme de Jean-Claude Penchenat, avec qui la Compagnie a autrefois travaillé, et qui témoigne de la capacité des humains à accepter les aléas de la vie et à vivre AVEC.
Micheline Rousselet
Du 7 au 31 juillet au Théâtre des Lucioles à Avignon – Réservations : 04 90 14 05 51 – Du 9 au 13 novembre Théâtre douze, Paris – 29 mars 2022 CRESCO à Saint-Mandé- 17 mai 2022 Théâtre Jean Cocteau, Franconville (95)
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