Pour faire entendre le traumatisme de ces enfances détraquées par les relations familiales, Vincent Dussart a rassemblé deux textes, L’enfant réparé de Grégoire Delacourt et Une honte de Pierre Creton. Dans le premier, l’auteur évoque une mère, qu’il semble adorer, mais qui ne sut pas le protéger, et un père absent ou bourreau, qu’il fuit en se cachant, en avalant du Valium et d’autres médicaments et par de multiples tentatives de suicide. La réparation viendra pour lui de l’écriture, qui lui permettra de revisiter les traces cachées de ses douleurs enfantines. Pour Pierre Creton, c’est une photo de son enfance pauvre et rurale représentant, croit-on, une petite fille caressant un chevreuil mort à la chasse, sous le regard fier de son père, de son grand-père et de son oncle qui déclenche les souvenirs. La petite fille c’est en fait lui. Et avec la complicité d’amis, les secrets de famille vont peu à peu se dévoiler. C’est la conscience de l’origine de ses souffrances qui va lui permettre d’assumer ses désirs et de choisir enfin sa vie.

Pour évoquer ces secrets dont les familles ne parlent pas, le metteur en scène a choisi de ne pas montrer leur violence, mais de les suggérer, de les faire apparaître peu à peu en faisant appel à l’imagination du spectateur.

Dans la première partie, L’enfant réparé, la voix de l’écrivain est confiée à un chœur, placé devant le rideau. Ils parlent ensemble, tournent la tête comme un seul être. Parfois un individu se détache et tombe, quand la souffrance et la peur de ne pas être aimé par cette mère adorée devient trop forte, avant d’être relevé par les autres. Et l’on entend ce que fut son enfance. Une mère qui a choisi le silence, et le déni pour maintenir la paix et survivre et, pour lui, un corps abîmé par les médicaments, l’alcool, les tentatives de suicide. Mais une démarche artistique créative nourrie des traces cachées de ses douleurs d’enfance. Comme le dira plus tard un journaliste « il y a dans sa vie un enfant mort et cet enfant mort, c’est lui ».
Pour Une honte, le rideau s’ouvre, faisant apparaître la photo de famille et rassemblés autour d’une table ceux qui vont éclairer cette photo tandis qu’un homme joue du cor de chasse. Que cache cette photo de famille où celle que l’on a pris pour une petite fille est en fait l’écrivain lui-même ? Sous le regard de la mère, d’une amie psychanalyste, d’une photographe, d’un philosophe, d’une professeur, d’un cousin et à la lumière d’une seconde photo, les secrets de famille apparaissent mêlant mort, identité et sexualité et, en libérant enfin l’auteur de la honte, lui permettent de prendre en main sa vie.

Une façon délicate sans pathos et sans larmes, de parler des cicatrices que laissent sur un enfant les secrets de famille et du courage de ceux qui ont su en faire la source de leur art.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 12 janvier à 20h30 à la Comédie de Picardie, 62 rue des Jacobins, 80000 Amiens – Réservations : 03 22 22 20 20 ou www.comdepic.com – le 16 février au Théâtre jean Vilar de Saint Quentin, du 12 au 14 juin au Théâtre La Verrière de Lille

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