« Savoir qui je suis », c’est la question que, du fond de la cellule où il est emprisonné après avoir tué celle qu’il aimait, se pose Joseph Malan, un acteur Sud-Africain. Il est Noir, elle était blanche. Il s’interroge et il se remémore son passé, son enfance avec sa mère qui lui disait « la lumière c’est pas notre place, le Seigneur il nous a fait vivre dans son ombre », son goût pour les mots, sa découverte du théâtre, son passage à l’Académie Royale d’art dramatique à Londres et son retour au pays, où il a crée une compagnie qui sillonnait le pays, et enfin sa passion partagée avec Jessica.
Publié en 1974, en plein apartheid, le roman d’André Brink fut censuré et son auteur menacé. C’est au cours de son séjour en France au début des années 60, alors qu’il a 25 ans, qu’il prend conscience de l’ignominie de l’apartheid. « Je découvrais avec horreur ce que « les miens » faisaient depuis toujours, sur quelles atrocités et perversions notre fière civilisation blanche avait construit son édifice de moralité et de lumière chrétienne ». Avec l’instauration de l’apartheid, des choses qui, sans être faciles, étaient possibles entre Noirs et Blancs, comme voyager ensemble, faire du sport ensemble, s’aimer, deviennent interdites. Les Noirs sont assignés à des lieux d’habitation en fonction de leur présumée origine ethnique, logés dans des dortoirs lorsqu’ils travaillent, tandis que leur famille est maintenue dans des homelands. Même si certains Blancs développent des idées progressistes, ils n’arrivent pas à les imposer dans une société qui pervertit tous les rapports humains. Tout ceci est pointé avec justesse dans le livre d’André Brink et c’est cela qui a intéressé le metteur en scène Nelson-Rafaell Madel.
Son adaptation et sa mise en scène font alterner la narration, les dialogues et entre chaque séquence des parties chorégraphiées créées avec Jean-Hugues Mirédin, s’intercalent de façon à faire naître une « partition entre parole et mouvement, des rituels avec et au-delà du texte ». Malheureusement le côté systématique de ces parties dansées, surtout quand elles se veulent parodiques, alourdit le propos plus qu’elles ne l’éclairent. La distribution est un peu inégale et on retiendra surtout Mexianu Medenou qui incarne un Joseph Malan plein d’humanité, et Ulrich N’toyo, le poète révolté.
Et surtout il y a ce texte fort qui montre bien comment dans un pays où régnaient la censure, le racisme et l’arbitraire des Blancs, comme en Afrique du Sud au temps de l’apartheid, l’aventure théâtrale et les rêves d’un homme de théâtre noir ne pouvaient que se fracasser, mais qui révèle aussi que personne ne sort indemne d’un tel système.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Théâtre de La Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre, 75012 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 28 36
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu