Théâtre : Asphalt Jungle

Deux hommes désœuvrés sortent de scène à tour de rôle pour frapper quelqu’un. On ne voit pas la victime, on entend juste les coups et les gémissements. Ils demandent ensuite au troisième, un de leurs amis, de frapper à son tour. Celui-ci commence par refuser, avant de se laisser convaincre et d’entrer dans la danse.

Théâtre : Asphalt Jungle
Théâtre : Asphalt Jungle

Dans ce scénario de violence gratuite, qui évoque « Orange mécanique », on voit bien que s’il y a un dominant, il ne peut avancer sans complice et que, pour convaincre, il use de tous les arguments : c’est un jeu, la victime aime souffrir, n’est pas comme les autres, n’est pas un homme, etc. Le faible se soumet ou tente de chercher des alliances pour renverser la situation. Mais il est difficile de faire le poids face à celui qui mène le « jeu », d’autant plus qu’il est facile de passer du statut de complice à celui de victime.

C’est une pièce forte sur la manipulation, la soumission, le harcèlement et la violence que propose Sylvain Levey, un jeune auteur de quarante-cinq ans plusieurs fois primé. Au fur et à mesure que la pièce avance, on pense à toutes ces situations où un plus fort, plus manipulateur, plus enclin à dominer par la force jouit de sa domination et écrase un plus faible. On pense au harcèlement à l’école ou dans l’entreprise, à la police face à des sans-papiers. La réussite de la pièce tient aussi bien à sa façon de conjuguer les situations (sans avoir besoin de les préciser, le spectateur fait le travail !) qu’à sa qualité à mêler au tragique des touches d’humour noir. Pour le chef c’est un jeu et qui ne souhaiterait pas jouer pour échapper à l’ennui ? Ils ont une canette en main. Vous pensez à la bière ? Mais non, c’est du Schwepps !

Le metteur en scène Laurent Maindon se contente d’une chaise pour tout décor et mise sur les lumières qui rendent inquiétant ce que cache la porte ouverte vers l’extérieur. Il a surtout su choisir des acteurs dont on pressent qu’ils pourraient être n’importe lequel des quatre personnages et qui pourtant révèlent subtilement des traits de caractère qui les différencient, l’un plus veule, l’autre plus pervers.

Le spectacle a été présenté en milieu scolaire avant que les élèves n’aillent voir la pièce. Les acteurs jouent un extrait puis ouvrent la discussion avec l’aide d’une psychologue et du ou de la CPE, le débat se plaçant très vite sur le harcèlement en milieu scolaire. Mais la pièce va bien au delà, débusquant les réflexes identitaires, la peur de l’autre, le suivisme, la lâcheté devant les violences faites aux plus faibles, tout ce qui revient au-devant de la scène aujourd’hui.

Micheline Rousselet

Du mercredi au samedi à 19h

La Manufacture des Abbesses

7 rue Véron, 75018 Paris

Réservations : 01 42 33 42 03

Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours

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