Dans Après la répétition un metteur en scène proche de la cinquantaine, Vogler, s’est enfermé dans son studio de répétition pour préparer sa prochaine mise en scène. Il va se confronter, d’abord à une jeune comédienne, Anna, pleine de doutes sur son talent et qui doit jouer le rôle principal, puis à la mère d’Anna qui triompha dans ce rôle autrefois et fut sa maîtresse. Elle a depuis sombré dans l’alcool, mais a toujours le désir d’un grand rôle. Dans Persona une comédienne a brusquement cessé de parler au milieu d’une représentation d’Electre. Elle s’est ensuite reprise et a terminé la pièce, mais s’est depuis enfermée dans le silence. Hospitalisée pour dépression nerveuse sévère, elle est confiée aux soins d’une jeune infirmière qui, face à son silence, va lui parler de sa vie.

Dans ces deux films Bergman s’intéresse au théâtre et à sa porosité avec la vie. Quand on est une comédienne, mais aussi metteur en scène, comment nourrir de son vécu et de ses émotions les rôles que l’on joue sans s’y enfoncer jusqu’à en perdre le souffle ? Les deux pièces semblent confronter deux points de vue sur le théâtre. Dans la première le théâtre est la vie avec toutes ses émotions. Dans la seconde, c’est un peu comme si en imitant la vie le théâtre en coupait l’acteur. Pourtant celui-ci est toujours prêt à dévorer tout ce qui peut nourrir son art. Les dialogues sont brillants et il y a même de l’humour, ce qui est inattendu chez Bergman !

Le metteur en scène internationalement reconnu Ivo van Hove qui a déjà beaucoup travaillé en France, tant pour le théâtre que pour l’Opéra, reprend ce diptyque qu’il avait créé il y a une dizaine d’années pour l’Internationaal Theater d’Amsterdam, avec cette fois une distribution française.

Dans la superbe scénographie de Peter van Kraaij, le studio de répétition du début devient une plate-forme entourée d’eau comme l’îlot isolé où se situe la clinique qui abrite la comédienne mutique et son infirmière. Le travail sur la lumière et le son contribuent aussi à l’atmosphère de la pièce. Ainsi pour Après la répétition, la bande son nous entraîne dans ce qui a pu être l’univers sonore de ce metteur en scène cinquantenaire, Gilbert Bécaud et La solitude ça n’existe pas par exemple. Pour Persona on est davantage dans les sons de la nature avec la pluie, l’orage, l’eau qui clapote autour des pieds des actrices.Quant à la lumière, au début de Persona, Elizabeth Vogler est allongée nue, inerte, sur une table d’hôpital dans une lumière crue. Quand l’infirmière arrivera à la faire bouger et se lever, la lumière s’adoucira jusqu’à devenir presque chaude, quand ce qu’on pourrait prendre pour un début de complicité s’établira entre les deux femmes.

Dans Après la répétition on est dans un théâtre où le jeu de l’acteur est central, où les dialogues suivent les complicités et les heurts entre les personnages. Dans Persona, l’actrice ayant choisi d’être mutique, c’est son corps qui parle et l’infirmière qui prend la parole. Ce sont les mêmes acteurs qui vont jouer dans les deux parties. Charles Berling, que Ivo van Hove avait déjà mis en scène dans Vu du pont en 2015, est Vogler le metteur en scène. Dans la première partie il porte les réflexions sur le théâtre de Bergman, son désir pour ses actrices, sa violence aussi devant la vie qui avance. Sa voix se fait douce ou explose. Face à lui Justine Bachelet est Anna, cette jeune comédienne qui doute. Elle apparaît écorchée vive dans son désir de jouer, de plaire, d’être désirée et en même temps inquiète de devenir comme sa mère incapable de différencier sa vie et ses rôles. Dans Persona elle sera Alma l’infirmière qui naïvement confiera sa vie et ses émotions à Elizabeth la comédienne mutique. Enfin il y a Emmanuelle Bercot éblouissante. Elle n’a rien oublié de sa formation de danseuse. De la colère et du désespoir qui l’animent dans Après la répétition, elle passe dans Persona à ce corps nu, « capable de parler sans parler », qui semble lier une relation complice et affectueuse avec son infirmière, qu’elle est en fait prête à dévorer pour nourrir ses prochains rôles, ce que conclut froidement Elizabeth Mazev parfaite en psychiatre attentif.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 24 novembre au Théâtre de la Ville-Sarah Bernardt, 2 place du Châtelet, 75004 Paris – à 20h, sauf le samedi 11 à 15h, relâche les 12 et 19/11- Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com – En tournée ensuite : 6 et 7 décembre au Points Communs à Cergy, les 22 et 23 mars à La Filature à Mulhouse, les 11 et 12 avril à la MC2 de Grenoble, les 16 et 17 mai au Volcan au Havre.

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