Héritier de Shakespeare, John Ford clôt l’époque des grands dramaturges élisabéthains.

Là où Shakespeare avait ému le public avec «  Roméo et Juliette « , une histoire d’amour impossible entre deux jeunes gens, John Ford écrit en 1633 une histoire d’amour toute aussi impossible entre un frère et une sœur.

Théâtre : Annabella
Théâtre : Annabella

Vincent Thépaut et Frédéric Jessua proposent un autre titre en même temps qu’une nouvelle traduction et une adaptation de la pièce.

Le titre original « Dommage que ce soit une putain  » est remplacé par le prénom de l’héroïne. Il devient «  Annabella « .

Le moyen sans doute de lever une ambiguïté sur ce que le mot « putain » qui tombe dans le registre vulgaire, avait pouvoir de rejaillir sur les qualités morales du personnage de la jeune fille.

Toute traduction du titre est imparfaite puisque le mot » putain » n’a rien à voir avec le mot « Whore » ennobli par sa présence dans la Bible.

Cette « réparation » accomplie, cette nouvelle adaptation, sans s’éloigner de l’ampleur dramatique de la pièce de John Ford, met en valeur l’énergie folle des personnages et amène les acteurs, chacun selon sa partition, vers une nouvelle incarnation.

Folie, désir de vengeance, trahison, adultères constituent les thèmes récurrents de la période dite jacobéenne ; les pièces de cette époque jusqu’à celle de John Ford, fougueuses et sombres n’autorisent aucun retour à l’ordre et évoquent le cynisme d’une parenthèse de transition.

Dans «  Annabella « , plusieurs intrigues s’entremêlent.

Aux amours du frère et de la sœur s’ajoutent le destin d’un époux évincé, Richardetto, celui d’une amoureuse délaissée, d’un rival moqué, tous ces appendices narratifs convergeant vers la même idée de la vengeance.

L’adaptation et la mise en scène de la pièce de John Ford ne cherchent pas à rendre plus limpides les différents pans du récit.

Au contraire, elles exploitent leur complexité pour apporter une autre force à la pièce.

En exploitant le fait que la pureté et la noblesse des sentiments sont presque totalement absentes, ils livrent les personnages à leurs impulsions pour mieux bafouer l’ordre établi.

Les situations qui découlent de ce parti pris produisent des effets scéniques toujours inventifs, souvent trépidants, qui plongent le spectateur dans un état d’impatience permanent sachant qu’à tout instant, la mise en scène peut réserver une nouvelle dérive qu’il s’agisse des moments dramatiques qui résonnent de gravité ou de séquences déjantées qui flirtent avec le pur numéro d’artiste.

Musiques, danses, chorégraphies, espiègleries et sur-jeu ne sont pas que des intermèdes visuels. Ils s’intègrent parfaitement à la dimension dramatique de la pièce qui n’est jamais perdue de vue et rejoignent la langue scénique originale de John Ford.

Tous les effets sont au service de la représentation. Ils ont pour objectif premier de restituer la langue brute et crue de la pièce originale tout en y ajoutant une grande part de liberté.

La richesse d’invention est à tous les niveaux dans la mise en scène de Frédéric Jessua et dans des ruptures de ton toujours maîtrisées. Elle l’est dans la scénographie, dans les inserts musicaux, dans les décors, les costumes, les lumières…

Il en résulte un spectacle passionnant, au rythme soutenu, inventif à chaque instant qu’il ne faudrait pas laisser passer…

Francis Dubois

La Tempête, Cartoucherie de Vincennes. Route du Champ de Manœuvre 75 012 Paris.

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) 01 43 28 36 36

www.latempete.fr


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu