Alexeï Navalny vient de se réveiller d’un coma de dix-huit jours après son empoisonnement au Novitchok. Il est à Berlin avec sa femme Yulia. Il a décidé de rentrer en Russie, d’y retourner pour être debout car la vie ce n’est pas seulement survivre. Et il veut se rassurer en disant qu’ « ils » n’oseront pas l’envoyer en camp en Sibérie, qu’il y aura des protestations dans tout le pays. Plus lucide sa femme ne veut pas qu’il rentre en Russie. Pour elle c’est un piège, elle sait qu’il y mourra et mourir là-bas ne changera rien. « Ils ne te craignent pas en martyr, ils te craignent en stratège ».

Gaëtan Vassart et Sabrina Kouroughli ont eu l’idée de ce spectacle après avoir lu le journal de prison d’Alexeï Navalny. Il y parle avec émotion de la confiscation régulière de ses écrits en prison et regrette particulièrement le texte où il relatait son échange avec sa femme à la veille de son retour. C’est ce dialogue, confisqué et disparu, de leur dernière nuit à Berlin, juste avant l’arrestation de Navalny à son arrivée à Moscou, que Gaëtan Vassart et Sabrina Kouroughli ont imaginé. Ils l’ont aussi mis en scène et interprètent Alexeï et Yulia.

Ironiquement tout commence par la chanson, Just a perfect day. Sur le plateau sans décor les deux époux se font face. Elleveut qu’il renonce à partir, tente de le convaincre, lui dit qu’il sera plus utile opposant libre à Berlin que derrière les barreaux en Russie, évoque leur amour. Elle est véhémente, crie, s’adoucit, supplie  « ne vas pas mourir là-bas » tente de le convaincre, menace « Je vais cacher ton passeport ». Lui dit qu’il retourne pour être debout, qu’ « ils » n’oseront pas l’envoyer en camp en Sibérie. Il veut lutter car « que vaut une vie où on se tait pour survivre ». Gaëtan Vassart, guitare en main chante en russe une chanson de Vladimir Vissotsky, le poète-chanteur, dont les chansons incarnant la dissidence soviétique, circulaient sous le manteau.

La suite est dure et sèche, l’atterrissage, l’arrestation, les manifestants à qui il crie je n’ai pas peur, l’envoi en camp d’où il ne sortira que mort. Allongé sur le banc de sa prison sous une maigre couverture, il tente de rassurer Yulia mais sait qu’il ne sortira jamais, qu’ « ils » ont toujours menti, que tout le monde le sait mais que la peur bloque la parole. Pourtant en un dernier cri il espère qu’un jour « la Russie sera libre, européenne et en paix » et Yulia, couronne de roses sur la tête, est par la pensée toujours à ses côtés, comme une dernière déclaration d’amour et d’espoir dans la réussite de leur combat.

Un spectacle qui résonne aujourd’hui en célébrant le courage de ceux qui sont prêts à prendre des risques pour défendre leurs valeurs.

Micheline Rousselet

Du 5 au 26 juillet au Théâtre des Halles-Chapelle, 22 rue du Roi René, 84000 Avignon à 14h – relâche les mercredi 9, 16 et 23 – Réservations : 04 32 76 24 51 ou theatredeshalles.com


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