Les «Trois sœurs» qu’on peut voir encore jusqu’au 22 décembre à l’Odéon Théâtre de l’Europe a été diversement accueilli.

Il y ceux qui ont encensé le spectacle (voir la critique de Micheline Rousselet, notre contributrice habituelle pour le théâtre : 32493), il y a eu les farouches détracteurs, ceux qui l’ont encensé parce que d’autres l’ont démoli, ceux qui l’ont démoli parce qu’il a été encensé, ceux qui ont cédé à son vernis novateur.

La polémique à propos d’une œuvre l’a souvent conduite au succès public. C’est sans doute le cas de la mise en scène de Simon Stone.

Chacun est bien entendu libre d’avoir aimé ou détesté « Les trois sœurs ». Mais là où le spectacle est contestable, c’est que bien qu’il n’ait aucune parenté avec l’œuvre dont il se réclame, il porte son titre et que le nom de Tchekhov y soit directement associé.

Les concepteurs du spectacle, les programmateurs, le metteur en scène ont-ils pensé (et ils l’ont certainement souhaité) que pour de nombreux scolaires et jeune public, «Les trois sœurs» allait être un premier contact (et peut-être le seul) avec le théâtre de Tchekhov et que ce public novice allait prendre ce qu’on lui proposait pour argent comptant. Que ces (très) jeunes gens allaient mordre à l’hameçon du spectacle d’autant plus que l’adaptation situe le récit dans l’air du temps avec un langage, des situations, des comportements où ils se seront reconnus. La trahison est totale quand on a fait des personnages au bord de la débâcle financière de Tchekhov une bande d’oisifs traînards, des bobos qui ne manquent de rien.

C’est ici et dans cette démarche qu’on peut qualifier cette proposition théâtrale de démagogique, que ce spectacle devient dangereux.

Quelqu’un a dit que le spectacle aurait dû s’intituler « Les trois meufs » et ça n’est pas une mauvaise idée. Ça n’est peut-être pas qu’un bon mot !

Un pays et à plus forte raison une ville comme Paris a certainement besoin, pour son prestige, de ses théâtres «vitrine».

Or, il en est du théâtre comme de notre société. Le même fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres dans le pays se creuse entre le théâtre riche et le théâtre pauvre.

Alors que l’Odéon-théâtre de l’Europe, pour ne citer que lui s’offre (et offre à qui le veut), des superproductions sans doute hors de prix (quels budgets ont pu atteindre deux spectacles comme « Les trois sœurs» ou « Festen» ?), il y a des théâtres qui s’apprêtent à mettre la clé sous la porte, d’autres qui sont contraints de réduire le nombre de représentations de beaucoup de leurs spectacles, ou d’autres encore qui sont obligés de faire des coupes parmi le personnel.

Ceux qui, comme « L’Échangeur » à Bagnolet, avec la perte de financement (côté Région notamment), l’absence d’un accompagnement significatif par les partenaires institutionnels, l’État, le Département, la ville, se retrouve en dépit de la reconnaissance par tous de la qualité de son travail, de sa programmation, de la multiplicité de ses actions, de son rayonnement culturel et à cause de la récente coupe opérée sur le budget du Ministère de la Culture (et en dépit des promesses électorales) face à un déficit budgétaire de 80 000 € qui le contraint dans l’immédiat à l’annulation des répétitions de la prochaine création, au report de sa future programmation jusqu’en février, à des suppressions de postes…

Le Théâtre en France mourra-t-il un jour d’être trop bien nourri, repu ou d’être à l’inverse, réduit à la disette !

Francis Dubois

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