1,8 mètres carrés, c’est l’espace assigné à un prisonnier en Biélorussie. À la suite des manifestations en 2020-21 contre le régime de Loukachenko, des centaines d’opposants ont été arrêtés et condamnés pour avoir simplement osé exprimer leur opinion et défendre la démocratie. Battus, parfois jusqu’à la mort, piétinés, entassés dans des cellules minuscules, privés d’eau, ces hommes et ces femmes disent, dans leurs lettres et dans des témoignages, leurs vies broyées, leur volonté de se libérer de ce régime totalitaire où la violence et l’arbitraire règnent en maître et trouvent encore la force de revendiquer le respect de leur dignité.

Ivan Viripaev, qui depuis décembre 2021 vit à Varsovie et refuse désormais qu’on le désigne comme « metteur en scène russe », a mis en scène ce projet, à la fois pour témoigner de ce qui se passe en Biélorussie et pour venir en aide aux artistes bélarusses nombreux à s’être réfugiés en Pologne. S’il se dit profondément russe, il ne peut plus « tolérer la violence, la privation de libertés et l’élimination de ceux qui dérangent le Kremlin ». Le spectacle a bénéficié de subventions du Ministère de la Culture polonais et des institutions européennes.

Sur le plateau un rectangle de lumière délimite ce mètre quatre-vingt dont dispose chaque prisonnier, quand il en dispose. En fond de scène un mur de vidéos que l’on voit comme à travers des barreaux de prison, où défilent, floues et mouvantes, des scènes de manifestations et des manifestants aux visages barrés de rouge et de blanc. Ce sont les couleurs du drapeau que brandissaient les manifestants, celles du premier drapeau de Biélorussie que les soviétiques et le président Loukachenko ont fait disparaître. Le spectacle donne la parole à ceux qui sont empêchés de la prendre dans leur pays, victimes de la violence de leurs dirigeants et des policiers à leurs ordres. Une mère se bat pour un fils handicapé, mais accusé tout de même, une autre se dit fière de ses fils arrêtés, un est accusé d’avoir « soutenu mentalement la manifestation même s’il n’y était pas ». Des acteurs biélorusses et polonais portent cette parole dans leur langue, aussitôt traduite en français sans que cela nuise à aucun moment au rythme du spectacle. Cela permet d’éviter le surtitrage et ainsi de ne pas quitter du regard les comédiens, incandescents et bouleversants, avec chacun leur personnalité. Quand à la fin ils se réunissent pour chanter, on se plaît à rêver pour eux d’un monde plus libre.

Ivan Viripaev, qui par ailleurs reverse tous ses droits d’auteurs perçus en Russie à une association humanitaire polonaise d’aide aux réfugiés ukrainiens, souhaitait « susciter la compassion et l’empathie » chez les spectateurs. C’est réussi car ceux-ci sortent du spectacle bouleversés.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 18 février au Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, 92022 Nanterre – mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30 samedi à 18h – Réservations : 01 46 14 70 00 ou nanterre-amandiers.com

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